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"Revoir Paris" capte la lumière au bout du cauchemar

Virginie Efira dans le film "Revoir Paris". [DR - Stéphanie Blanchu]
Virginie Efira dans le film "Revoir Paris". - [DR - Stéphanie Blanchu]
Pour son quatrième long métrage après "Augustine", "Maryland" et "Proxima", la cinéaste Alice Winocour épouse l'amnésie d'une rescapée d'un attentat parisien, interprétée par Virginie Efira. Un drame lumineux, pudique et bouleversant.

Dans une brasserie parisienne bondée, Mia (Virginie Efira) échappe de justesse à un attentat fulgurant. Quelques hommes armés tirent à vue sur les clients. Les corps s'écroulent. Mia est à terre. Le claquement des coups de feu remplit l'espace. En un instant, le cours normal de la vie vient d'être brisé par la violence et la mort. Un moment d’horreur que la mémoire de Mia choisit d'occulter.

Amnésique, elle se réveille dans une chambre d'hôpital. Elle tente de reprendre son existence, de rester avec Vincent (Grégoire Colin), son compagnon, sans parvenir à se rappeler exactement ce qu'il s'est passé ce soir-là. Des bribes ressurgissent, des images, des visages, celui d'un voisin dans la brasserie, un certain Thomas (Benoît Magimel) dont elle retrouve la trace et dont elle se rapproche peu à peu.

Mais les souvenirs restent nébuleux et un retour sur le lieu de l'attentat, où se réunissent quelques survivants et proches de victimes, ne fait que ranimer les doutes, les questions, la culpabilité. Pour Mia, il faut désormais reconstituer le puzzle, retrouver ses pièces manquantes.

Un regard subjectif

Si le spectre des attentats du 13 novembre 2015 - dont son frère, présent au Bataclan, est sorti vivant - plane sur l'ensemble de son film, Alice Winocour choisit de ne jamais les mentionner, contournant le point de vue strictement factuel (d'autres films futurs s’en chargeront). A la fois plus universel et plus intime, l'angle que choisit la cinéaste pour rendre compte de l’impact d'un tel traumatisme, sur ceux qui ont survécu ou sur les proches des victimes, épouse la subjectivité de sa protagoniste, dont le point de vue guide autant notre cheminement dans le récit que la mise en scène de Winocour.

Passé son introduction terrible, mais nécessaire, "Revoir Paris" pose l'après-attentat comme une réalité fragmentée, parasitée, dans laquelle Mia déambule comme une somnambule, comme absente aux autres et au monde, un état vaporeux que Virginie Efira rend palpable avec une subtilité inouïe.

Une réalité zébrée par des images mentales, fugaces; au détour d’un couloir, dans une rame de métro, Mia remarque la présence de certaines victimes tombées sous les balles des terroristes, la pluie ramène le souvenir des averses de la soirée de l'attentat, tout comme une bougie sur un gâteau d’anniversaire. Autant de réminiscences qui flirtent avec le fantastique, convoquant les fantômes que la mémoire ne parvient pas à oublier.

Revenir à la vie

En plus de nous emporter dans ce dédale mental captivant, "Revoir Paris" révèle l'étendue d'une fracture, d'une brisure qui ne peut être comprise que par celles et ceux qui l'ont éprouvée. Cette brisure qui oblige Mia à faire le deuil de son ancienne vie, le deuil de son ancien compagnon, à accepter les cicatrices comme les coutures d'un nouveau corps.

Pudique, profond, lumineux, le film d'Alice Winocour ne montre rien d'autre que ça: non pas la difficulté de continuer à vivre après le choc d’un attentat, mais bien la difficulté de revenir, à la vie, au monde, à Paris. C'est toute sa beauté.

Rafael Wolf/ld

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