Tout le milieu l'appelle "Il Maestro". Deux ans après la disparition du génial compositeur italien Ennio Morricone, un documentaire intitulé sobrement "Ennio" lui rend hommage. Dans ce film, le réalisateur Giuseppe Tornatore ("Cinema Paradiso") brosse le portrait du compositeur le plus populaire et prolifique du XXe siècle, le plus aimé du public, deux fois récompensé aux Oscars et auteur de plus de 500 bandes originales.
Le documentaire, assez classique dans sa forme, décrit le compositeur au travers d'une longue interview et de témoignages d'artistes et réalisateurs, tels que Bernardo Bertolucci, Guiliano Montaldo, Marco Bellocchio, Dario Argento, les frères Taviani, Luca Verdone, Barry Levinson, Roland Joffé, Oliver Stone et Quentin Tarantino.
"Ennio" est aussi une enquête visant à révéler ce que l'on sait peu sur Morricone, comme sa passion pour les échecs et les liens mystérieux qu'elle a entretenu avec sa musique. Le film va à la rencontre de certaines de ses intuitions musicales, comme le cri du coyote dans le western "Le bon, la brut et le truand".
L'inventeur de l'arrangement musical
Le film "Ennio" nous apprend notamment que Morricone était quelqu'un qui se sous-estimait beaucoup. Il se sentait coupable de ne pas être devenu un musicien classique après sa formation au Conservatoire. On découvre derrière ce génie taciturne une personne extrêmement sensible et émouvante. Trompettiste, tout comme son père, Ennio Morricone voulait à l'origine être médecin. Il abandonne la trompette et écrit ses premiers arrangements pour des vedettes des années 1960 en incluant un son très particulier de boîte de conserve qui fera de lui une exception historique.
On dit d'Ennio Morricone qu'il a inventé l'arrangement musical. En effet, jusqu'alors les chansons étaient simplement accompagnées par l'orchestre qui jouait simplement les accords. Ennio Morricone, lui, y ajoute des mélodies qui s'entrelacent: le piano et les cordes répondent à la voix pour former une mélodie à part. Une véritable révolution.
Le mythe du Maestro
"Ennio" retrace aussi la rencontre qui fera naître le mythe du Maestro: lorsqu'il entend sa musique, le réalisateur Sergio Leone lui demande de composer celle de son premier western, "Pour une poignée de dollars" (1964). "Personne n'avait jamais entendu une musique aussi lyrique, dira Clint Eastwood, des mélodies sifflées, des sons de coups de fouet, d'enclume, la cloche, la flûte, la guitare électrique". Ce qu'a fait Ennio Morricone était nouveau, audacieux, un choc culturel à l'époque, et avec cela, il a imposé un nouveau vocabulaire.
Sa collaboration fructueuse avec le maître du western spaghetti apporte à Ennio Morricone une réputation internationale. Il signe ainsi les musiques des films "Il était une fois dans l'Ouest", "Le b, la brute et le truand", "Il était une fois l'Amérique", et bien d'autres. Au final, plus d'un demi-millier de bandes originales parmi lesquelles celles des films du réalisateur italien Giuseppe Tornatore, à qui l'on doit de grands films à succès comme "Les incorruptibles", "Cinéma Paradiso", "Outrage", les films avec Belmondo ("Le clan des Siciliens" et "Le professionnel") ou encore les trois films de "La cage aux folles".
Pour le critique cinéma de la RTS Rafael Wolf, le documentaire "Ennio" est à ne pas manquer: "On voit dans ce documentaire à quel point sa musique ne sert pas juste à illustrer les images, comme c'est souvent le cas, mais à quel point elle est capable de capter l'âme intérieure du film. C'est absolument fascinant."
Sujet radio: Yves Zahno
Adaptation web: ld
"Ennio" de Giuseppe Tornatore, à voir actuellement dans les salles romandes.