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Un documentaire revient sur l'ascension et la chute de Sinéad O'Connor

Il y a trente ans, la chanteuse irlandaise Sinéad O'Connor provoquait une onde de choc lors d'un direct à la télévision qui mettra fin à sa carrière. Un documentaire intitulé "Nothing Compares" revient sur l'ascension et la chute fulgurante de l'artiste entre 1986 et 1993.

Le 3 octobre 1992, Sinéad O'Connor, 25 ans et au sommet de sa carrière, est en direct dans la célèbre émission "Saturday Night Live" sur NBC. Crâne rasé, grands yeux face caméra, elle chante a cappella une reprise du titre "War" de Bob Marley, puis déchire la photo du pape Jean-Paul II. "Combats le véritable ennemi", dit-elle.

Son geste suscite l'incompréhension et provoque un raz-de-marée d'indignation. La chanteuse est alors cruellement vilipendée par les médias, censurée et bannie du show-business. Avec ce geste, Sinéad O'Connor voulait en réalité rendre publics les abus sexuels perpétrés par les prêtres contre des enfants, couverts à l'époque par l'Eglise. Elle-même a subi les abus sexuels d'une mère violente.

L'un des moments les plus punk de l'histoire

Avec son franc-parler et son crâne rasé (comble de l'anti-féminité à l'époque) dans une société sexiste, nourrie de médias conservateurs, Sinéad O'Connor a toujours provoqué la controverse. Le parcours féministe et visionnaire de l'artiste est aujourd'hui mis en lumière dans un documentaire intitulé "Nothing Compares", sorti le 7 octobre au Royaume-Uni. Ce dernier revient sur l'ascension et la chute fulgurante de la chanteuse entre 1986 et 1993.

Aujourd'hui, on interprète le geste de Sinéad O'Connor avec une tout autre grille de lecture. Car ce que la chanteuse dénonçait il y a trente ans est désormais compris, dévoilé et condamné. La pédophilie dans l'Eglise, le harcèlement sexuel, le racisme, le droit à la contraception et à l'avortement sont même à nouveau des sujets de vive tension à travers le monde.

Une artiste engagée et avant-gardiste

Le documentaire dévoile la femme forte qu'était et qu'est toujours Sinéad O'Connor, en montrant notamment ces images d'un concert-gala en l'honneur de Bob Dylan, deux semaines après le scandale de la photo déchirée. La foule la hue. Sinéad O'Connor reste digne, stoïque, et affronte ce public hostile en chantant à nouveau "War" de Bob Marley, à la place de la chanson prévue de Bob Dylan.

Sinéad O'C'onnor, artiste avant-gardiste à qui Frank Sinatra voulait "botter le cul", boycottée par les radios, menacée de mort après ce geste engagé, a déjà été en partie réhabilitée en 2008 avec les excuses publiques du pape pour les prêtres pédophiles.

Aujourd'hui, plusieurs artistes - Peaches, Pussy Riot, Lady Gaga, Billie Eilish et bien d'autres - la considèrent comme une pionnière de certaines luttes comme la non-binarité et le droit des femmes. Le documentaire "Nothing Compares" rend justice à son geste incompris à l'époque et dévoile l'envers du décor de l'ascension et de la chute d'une icône sacrifiée dans les années 1990 sur l'autel de la bien-pensance.

Yves Zahno/ld

"Nothing Compares" de Kathryn Ferguson, en attendant une possible sortie au cinéma en Suisse, est disponible sur le site du producteur américain Showtime.

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