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Le combat pour le droit à l'avortement en France au coeur de "Annie colère"

Une image du film "Annie Colère". [DR]
Critique du film "Annie Colère" de Blandine Lenoir / Vertigo / 7 min. / le 7 décembre 2022
Film choral de Blandine Lenoir sur le combat pour la légalisation de l'avortement en France, "Annie colère" est à voir en salles actuellement. Il est aussi le récit d'une émancipation et une histoire de sororité, de solidarité et de bienveillance.

Avec son troisième long métrage, Blandine Lenoir revient sur les destins oubliés des militantes du MLAC (Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception) qui pratiquaient en France des avortements avant leur légalisation, en 1975, par la loi Veil.

Présenté en août au Festival du film francophone d'Angoulême, ce film choral (malgré son titre) n'est pas sans rappeler "120 battements par minute"(2017) sur le combat d'Act Up au début de l'épidémie de sida et résonne avec le Lion d'or attribué l'an dernier à Venise à "L'événement" d'Audrey Diwan, sur un avortement dans les années 1960.

Dans "Annie colère", nous sommes en 1974. Et Laure Calamy, l'actrice de "Dix pour cent", est Annie, une ouvrière et mère de deux enfants qui ne veut pas d'une nouvelle grossesse. Mais dans la France d'Annie, l'avortement est illégal. Elle entre alors en contact avec le MLAC, avant d'en devenir un pilier.

Pas seulement un film sur l'avortement

"Annie colère" est aussi le récit d'une émancipation. Ouvrière dans une usine de matelas, Annie est habituée à être soumise à l'autorité masculine (que ce soit celle du père, du mari, du patron ou encore du médecin). En rencontrant le MLAC, le jeune femme se rend compte qu'elle peut décider les choses par elle-même, car le Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception n'est pas seulement un endroit où avorter, mais aussi un espace où les femmes se rencontrent, échangent et découvrent une autre vision de leur corps et de leur sexualité. "Annie colère" raconte l'histoire du combat de ces femmes, de ces militantes, rappelant que ce n'est pas Simone Veil toute seule qui a permis la légalisation de l'avortement en France.

Sororité, solidarité et bienveillance sont au coeur du film. "Annie Colère" aborde un sujet complexe "mais avec une lumière étonnante, selon le critique cinéma Thomas Lecuyer. D'ailleurs, je ne suis pas vraiment d'accord avec le titre du film. Il n'y a pas de colère. Je trouve que c'est plus 'Annie solidaire' que 'Annie colère'", estime-t-il dans le débat cinéma de l'émission "Vertigo".

Une image du film "Annie Colère". [diaphana films]
Une image du film "Annie Colère". [diaphana films]

Un cinéma pédagogique

"Le film explique une situation, peut-être parfois exagérément, mais ce n'est pas dérangeant, parce que ça le fait bien, indique pour sa part Thomas Gerber, critique cinéma. J'aime beaucoup ce choix de montrer une facette qui n'est pas du tout traumatisante de l'avortement, et qui souligne le soulagement que cela peut procurer. Oui, émotionnellement, c'est un traumatisme, mais médicalement, le geste ne l'est pas". Politiquement, le film est aussi intéressant, car il montre des médecins qui gravitent avec le MLAC, illégalement, mais à visage découvert, protégés par le nombre. "Une belle définition du courage politique", conclut Thomas Gerber.

De nos jours, les experts estiment que le droit à l'avortement est fragilisé sur le terrain à cause de la clause de conscience des médecins et du manque de sages-femmes notamment. Dans le film, la clause de conscience des médecins est évoquée. Signe que dès les années 1970, le sujet préoccupait les militantes. Reste une question: comment y pallier? La thèse du film est qu'il faudrait permettre que les avortements ne soient pas uniquement pratiqués par des médecins, comme le faisaient les militantes du MLAC qui s'étaient formées à la technique de l'aspiration et pouvaient, in fine, pratiquer des interruptions volontaires de grossesse.

ats/ld/pr

"Annie colère", de Blandine Lenoir, avec Laure Calamy, Zita Hanrot, India Hair, à voir actuellement dans les salles romandes.

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Un film qui fait écho à l'actualité

En France, la loi Veil est entrée en vigueur en 1975. En Suisse, le droit à l'avortement a été partiellement dépénalisé et le régime du délai, qui permet aux personnes enceintes de décider d'avorter librement durant les douze premières semaines de grossesse, a été introduit en 2002, après plusieurs décennies de combat.

Le MLAC français avait des liens avec le Mouvement de libération des femmes à Genève. Dans ce canton justement, le Bureau de promotion de l'égalité et de prévention des violences organise des ciné-clubs égalité et vient de proposer une projection gratuite du film "Annie colère". Une manière selon sa directrice par intérim, Emilie Flamand, de sensibiliser l'opinion et de faire réfléchir les gens aux thématiques qui nous occupent.

"Le film résonne très fort avec l'actualité, entre le renversement de jurisprudence aux Etats-Unis, mais également de nombreux mouvements en Europe aujourd'hui qui essaient de limiter les droits à l'avortement. Y compris en Suisse où deux initiatives UDC ont été lancées l'année dernière pour limiter ce droit", explique à la RTS Emilie Flamand.

>> A lire aussi : L'avortement, un droit fragile en Suisse également

En France, l'Assemblée nationale vient de voter, le 24 novembre dernier, l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution. Quant aux deux initiatives de l'UDC, le délai de récolte des signatures dure jusqu'au 21 juin prochain.