Rétrospective: dix films marquants de l'année 2022

LES CHOIX DE RAFAEL WOLF

"Licorice Pizza" de Paul Thomas Anderson

Le retour aux années 1970 le plus beau, vertigineux et romanesque vu cette année. Le film le plus lumineux de Paul Thomas Anderson depuis "Punch Drunk Love" qui filme son couple principal comme deux planètes mues par des mouvements contraires, attractives et répulsives.

Alana Haim et Cooper Hoffman sont immenses.

"Bruno Reidal" de Vincent Le Port

L’histoire vraie d’un ado de 17 ans, paysan séminariste du Cantal, qui, en 1905, va décapiter un gosse de 12 ans.

Une chronique âpre, puissante, aride en forme de confession; celle d’un jeune homme qui nourrit des idées de meurtres depuis l’âge de 6 ans, porté par le fantasme d’une jouissance extatique.

"Armageddon Time" de James Gray

J’ai été bouleversé par l’émotion en sourdine que dégage cette chronique familiale située dans les années 1980. Trois générations d’immigrés juifs ashkénazes, à l’aube de l’élection de Ronald Reagan, le deuil des idéaux américains, les trajectoires déjà tracées d’un ado blanc et de son camarade noir.

Un très grand film qui a la pudeur de se cacher sous un verni de simplicité.

"Close" de Lukas Dhont

Une amitié fusionnelle entre deux ados brisées par une tragédie. La mise en scène est prodigieuse, la dramaturgie à la fois simple et profonde, le jeune Eden Dambrine vous cloue au sol.

Ma grande claque émotionnelle de l’année.

>> A lire : "Close", film poignant de Lukas Dhont sur le passage de l'enfance à l'adolescence

"Nope" de Jordan Peele

Le film le plus fou, le plus gonflé, le plus déroutant que j’ai vu en 2022. Un hommage à l’art du cinéma qui ressuscite une image originelle du septième art, celle d’un cavalier noir capté par Edward Muybridge.

Un western de science-fiction sidérant de beauté et de trouble, qui joue sans cesse sur le motif de l’œil et la question du regard.

LES CHOIX DE PHILIPPE CONGIUSTI

"Mad Heidi" de Johannes Hartmann et Sandro Klopfstein

Le plus gros kif jamais produit en Suisse!

Un délire grindhouse jouissif à mort pour les fondus de film "rigorelo" qui adorent l’odeur du fromage grillé au petit matin, les têtes explosées, les viscères qui prennent l’air, les guerrières à couettes et les taulardes qui soulèvent de la meule et luttent comme des damnées. Hilarant.

>> A écouter: l'interview de Sandro Klopfstein dans "Brazil" :

"Sans filtre" de Ruben Östlund

L’argent rend cupide, stupide, acide, fétide et tout un tas d’autres mots en "ide"! Avec cette Palme d’or cannoise, Ruben Ostlünd confirme un goût certain pour le scato au service d’une démonstration en trois actes de la mocheté de l’âme humaine pervertie par le pouvoir de l’argent sale et le paraître qui a pris le pas sur l’être. Délirant.

>> A lire : "Sans filtre", critique sans concession du capitalisme et de ses excès

"L'innocent" de Louis Garrel

Quand Louis Garrel s’amuse et flirte avec les genres, ça donne une délicieuse comédie policière sociale romantique familiale sur les tourments d’un fiston désireux de protéger sa maman des griffes d’un louche repris de justice hypothétique escroc aux sentiments mais pas que. Génial.

>> A lire : Le comédien et réalisateur Louis Garrel se dévergonde avec "L'innocent"

"Les nuits de Mashhad" d'Ali Abbasi

Excellent thriller bourré de suspense avec des prostitués victimes d’un père de famille au-dessus de tous soupçons qui les tue pour "nettoyer cette ville iranienne de ces femmes impures". Une journaliste le traque et se démène contre le machisme et la complaisance des autorités pour le faire arrêter et juger. Percutant.

"Lamb" de Valdimar Jóhannsson

Intrigant mais envoûtant film fantastique suédois champêtre et naturaliste sur la monstruosité et le désir de parentalité plus fort que tout, alors qu'un couple de bergers stériles décide d’élever comme leur propre fils un bébé mi-homme mi-mouton fraîchement né dans leur étable. Sublime.

sc