Avec "La ligne", Ursula Meier continue de sonder les défaillances familiales

Margaret, 35 ans, agresse violemment sa mère sous les yeux de sa petite soeur Marion. Arrêtée par la police après cette violente dispute, la jeune femme est contrainte de respecter une mesure d'éloignement de 100 mètres autour de la maison familiale en attendant d'être jugée. "Enfermée dehors", Margaret n'aura de cesse de se faire pardonner son acte.

Une violence féminine

Quatrième long métrage de Ursula Meier, "La ligne" raconte l'histoire d'une famille défaillante dans laquelle la violence est déclinée au féminin. "Au cinéma, la violence est souvent portée par des personnages masculins, explique à la RTS la réalisatrice. Et quand elle est représentée, la violence féminine est souvent portée par des adolescentes rebelles qui se battent ou rattachée à un autre thème social, comme la drogue ou la prostitution".

D'où l'envie pour la cinéaste franco-suisse de montrer un autre aspect de la violence féminine en mettant en scène Margaret, une jeune femme adulte pleine de colère et de fragilité, incarnée à l'écran par Stéphanie Blanchoud. A ses côtés, Valéria Bruni-Tedeschi campe le rôle d'une mère défaillante et humiliante et Benjamin Biolay, celui de l'ex de Margaret.

Elli Spagnolo, la révélation du film

Pour le rôle de Marion, soeur cadette de la famille, Ursula Meier, découvreuse de talents (Kacey Mottet-Klein dans "Home"), a déniché, lors d'un casting qui rassemblait plus de 700 candidates, un nouveau diamant brut. Il s'agit de la jeune actrice lausannoise Elli Spagnolo, aujourd'hui âgée de 14 ans, véritable révélation de ce film.

Elle incarne un personnage-clé et pivot de cette histoire. C'est elle qui dessine au sol cette "ligne de démarcation" et qui s'en fait la gardienne, tout en restant tiraillée entre sa mère et sa soeur. En interview, la réalisatrice n'hésite pas à comparer le jeu d'Elli Spagnolo à celui de Léa Seydoux ou à celui d'Isabelle Adjani. "Elle est incroyable. Elle a une vraie intelligence de jeu, un talent inné", s'émerveille-t-elle.

Un film superbe

Tourné au Bouveret (VS) il y a deux ans, en plein COVID, "La ligne" permet à Ursula Meier de continuer à développer ses thèmes de prédilection, comme les relations familiales dysfonctionnelles, les frontières visibles et invisibles, les territoires. Le film laisse par ailleurs une place importante à la musique qui offre un contrepoint à la violence et permet de créer ou recréer du lien entre les personnages.

Montré dans de nombreux festivals, dont la Berlinale il y a une année où il avait été sélectionné en compétition officielle, le film a déjà reçu de beaux éloges de la part des critiques. "Avec 'La ligne', Ursula Meier parvient à nous offrir un film superbe, âpre parfois, avec des comédiennes hallucinantes", indique notamment Philippe Congiusti, critique cinéma pour la RTS.

Propos recueillis par Julie Evard, Pierre Philippe Cadert et Philippe Congiusti

Adaptation web: Andréanne Quartier-la-Tente

"La ligne", de Ursula Meier avec Stéphanie Blanchoud, Valeria Bruni-Tedeschi, Benjamin Biolay et Elli Spagnolo, à voir actuellement dans les salles romandes.