Une fillette d'origine asiatique sort d'un chalet en forêt et se promène aux alentours, baignée dans le calme bucolique d'une atmosphère estivale. Wen ne se soucie de rien, sinon de la présence soudaine d'un homme au physique massif qu'elle devine derrière un arbre.
L'étranger l'aborde, il se présente, rassurant, il s'appelle Leonard (Dave Bautista) et demande à Wen de dire à ses parents de le laisser entrer dans leur chalet, lui et ses camarades. La fillette désobéit et court se réfugier dans la cabane, hurlant à ses deux pères adoptifs, Andrew (Ben Aldridge) et Eric (Jonathan Groff), de se calfeutrer.
D'emblée, le film impose une inquiétude sourde qui s'épaissit lorsque Leonard et ses trois acolytes armés (Rupert Grint, Nikki Amuka-Bird, Abby Quinn) pénètrent de force dans la demeure. Retenant Andrew, Eric et Wen prisonniers, ils expliquent les raisons de leur présence: des visions communes ont réuni les quatre intrus et les ont guidés vers cette cabane; Andrew, Eric et Wen doivent choisir de sacrifier l'un d'eux pour éviter que l'Apocalypse ne dévaste l'humanité entière. Soit ils acceptent, soit ils seront les derniers êtres vivants sur terre.
Croire ou ne pas croire
Sur ce postulat de départ assez énorme à avaler, M. Night Shyamalan orchestre avec une économie de moyens remarquable un huis clos qui lui permet de garder hors champ la réalité, ou non, de l'Apocalypse annoncée, l'enjeu étant de convaincre Andrew et Ben de la véracité de ce que les intrus prétendent. Si la mise en route du film laisse d'abord relativement indifférent, à cause du côté abstrait de la menace, son développement passionne davantage dès lors que la question du sacrifice s'incarne dans le suicide de l'un des quatre étrangers, qui accepte de se supprimer pour prouver aux héros que les actes commis au sein du chalet ont un impact réel sur le monde extérieur.
De manière un peu trop commode et systématique, Shyamalan recourt aux images d'informations diffusées sur un téléviseur pour attester la crédibilité apocalyptique, dévoilant des scènes impressionnantes de tsunami gigantesque ou d'avions tombant du ciel comme des mouches. Le doute s'inocule au cœur du couple central du film, tout comme dans l'esprit du spectateur. Une ambiguïté qui ne tiendra malheureusement pas jusqu'à la conclusion du film, dénuée de ces retournements de situations coutumiers au cinéaste de "Sixième sens", "Signes", "Incassable" ou "Le village".
De l'émotion à défaut de complexité
Arrocheur, à défaut d'être génial, "Knock at the Cabin" se retrouve limité par le principe répétitif de son scénario (un mort, une catastrophe, un mort, une autre catastrophe, et ainsi de suite), cadenassé dans des thématiques moins riches que dans d'autres œuvres de M. Night Shyamalan. Le résultat laisse par ailleurs l'impression de recycler des motifs dramaturgiques mieux exploités dans "Signes" (le huis clos, les écrans comme fenêtre sur le monde, la foi, la croyance).
La vraie réussite de "Knock at the Cabin", en plus de la tension authentique qu'il parvient à instaurer, provient finalement moins de son propos, où la responsabilité de chacun par rapport au sort de la planète et de ses dérèglements climatiques est assez univoque, que de ses personnages. La tristesse sourde de Leonard, qui contraste magnifiquement avec son physique intimidant, confère au personnage une émotion qui se retrouve chez ses partenaires, dès lors que l'on comprend tout ce que leur sacrifice contient de noble et de douloureux. Le groupe est ainsi directement associé aux quatre cavaliers de l'Apocalypse, à la différence près qu'ils incarnent, par leur profession respective (infirmière, cuisinière, professeur, etc.), l'antithèse des fléaux bibliques (mort, famine, guerre, conquête).
Quant au couple formé par Andrew et Eric, incarné par deux comédiens ouvertement gays, il se charge d'un vrai poids émotionnel que plusieurs flash-backs viennent charger, révélant à quel point leur famille a dû surmonter des épreuves supérieures à un couple hétérosexuel (rejet des parents, homophobie, adoption) pour pouvoir exister. Le choix des deux pères, lesté d'un amour d'une profondeur vibrante, n'en devient que plus poignant et apporte au film tout son cœur, à défaut de complexité.
Rafael Wolf/ld
"Knock at the Cabin" de M. Night Shyamalan, avec Jonathan Groff, Ben Aldridge, Dave Bautista, Rupert Grint, Nikki Amuka-Bird, Abby Quinn. Actuellement dans les salles.
Cinq autres films sur la thématique apocalyptique
- "Evid Dead" (1981) de Sam Raimi. Un groupe d'amis déclenche des forces démoniaques dans une cabane paumée au fin fond du Tennessee.
- "La cabane dans les bois" (2012) de Drew Goddard. Cinq étudiants, réunis dans une cabane, deviennent les cobayes ignorants destinés à être sacrifiés pour des divinités mythologiques.
- "Color Out of Space" (2019) de Richard Stanley. Nicolas Cage et sa famille subissent des mutations provoquées par une météorite écrasée dans le jardin de leur demeure campagnarde.
- "Save Yourselves" (2020) d'Alex Huston Fischer et Eleanor Wilson. Un couple de geeks technophiles tente de déconnecter des smartphones en s'isolant dans une cabane loin de tout wifi juste au moment où des extra-terrestres décident d'envahir la planète.
- "Honeymoon" (2014) de Leigh Janiak. Un couple de jeunes mariés passe sa lune de miel dans une cabane rustique et se retrouve aliéné par des lueurs dissimulant des créatures étranges.