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"Peter K., seul contre l'Etat", film coup de poing sur le forcené de Bienne

"Peter K, seul contre l’Etat", film coup de poing sur le forcené de Bienne. [Matériel de presse « Romandie »]
"Peter K, seul contre lʹEtat", film coup de poing sur le forcené de Bienne / Médialogues / 18 min. / le 7 février 2023
Avec "Peter K., seul contre l'Etat", Laurent Wyss revient sur un fait divers qui avait fait la Une des médias en 2010. Son film raconte la lente plongée aux enfers et la traque de celui que l'on a surnommé "le forcené de Bienne". A voir actuellement dans les salles romandes.

Laurent Wyss, réalisateur de "Peter K., seul contre l'Etat" est aussi journaliste et chef d'antenne de la télévision Telebielingue. Il dresse dans son film le portrait d'un homme dont la vie échappe à tout contrôle, "le forcené de Bienne", qui a tenu en haleine les forces de l'ordre pendant neuf jours en septembre 2010.

Une maison familiale dans un quartier tranquille de Bienne. Son propriétaire, un certain Peter K. s'oppose à la vente forcée de son bien. La police doit intervenir et les événements s'enchaînent. Le retraité tire sur un policier et s'enfuit en pleine nuit. C'est le début de l'affaire dite du "forcené de Bienne". Cette histoire inspire le réalisateur biennois qui, pour coller au plus près de la réalité, va jusqu'à rendre plusieurs fois visite à Peter K. dans sa prison à Thoune, avant de commencer son œuvre cinématographique.

L'histoire est d'abord celle d'un homme et de son histoire familiale. Après la mort de sa mère, Peter K. est menacé d'expulsion de la maison où il s'est occupé d'elle. Il se bat pour défendre son refuge face à sa soeur, dont il s'est éloigné, ainsi que face à la mairie et à la police armée. Ses théories conspirationnistes et ses écrits deviennent réalité lorsque la police débarque pour l'expulser de son domicile. Sa peur et sa solitude, grandissantes, font resurgir des cauchemars d'enfance et un sentiment de persécution.

La fiction pour être plus proche de la réalité

"Je crois que parfois la fiction peut être encore plus proche de la réalité, surtout émotionnellement. Tellement de choses ont été dites sur cette histoire dans les médias, que l'on peut comprendre sa peur. Sa plus grande peur était que des policiers viennent le tuer et, tout à coup, à travers ses stores, il voit des policiers armés devant sa porte", explique le réalisateur Laurent Wyss à la RTS.

Pour ses dialogues, et surtout les monologues de Peter K. dans le film, le cinéaste s'est inspiré des dossiers du premier procès du "forcené de Bienne", et notamment de son dossier psychologique qui comporte des pages de son journal intime. "Ces dossiers étaient publics pour les journalistes qui couvraient le procès", souligne Laurent Wyss qui avait lui-même suivi cette affaire, il y a treize ans. A l'époque, le fait divers avait fait grand bruit et la Une de tous les médias, jusqu'aux Etats-Unis.

"Je suis très content de voir que l'on peut enfin se saisir d'un fait divers en Suisse pour en proposer ce genre de film", indique le critique Thomas Gerber, lors du débat cinéma de "Vertigo". "Je trouve que le film manque un peu de mordant, mais j'aime beaucoup la dernière partie consacrée au procès de Peter K., parce qu'il se retrouve confronté à une magistrate glaciale qui représente toute la froideur de cette autorité. Ce que montre le réalisateur, c'est qu'à un moment donné, l'autorité ne peut plus s'intéresser aux particularités des individus. Elle traite les affaires sans essayer de comprendre les raisons et les peurs des citoyens. Il y a un côté déshumanisant", ajoute le critique.

Une histoire universelle

Dans le rôle principal, l'acteur Manfred Liechti est à la fois le centre vibrant et le pôle reposant du film. Il nous fait ressentir ce que Peter K., un être humain énigmatique que l'on dit ancien mathématicien, aurait pu vivre pendant sa fuite.

"J'ai trouvé le film assez fascinant. Il y a une vraie volonté d'efficacité. On est dans une forme de thriller paranoïaque qui peut être assez puissant. J'aime bien aussi le début parce qu'on suit de l'intérieur la paranoïa de cet homme qu'on voit obsédé à l'idée d'un état policier dès qu'il voit une caméra de surveillance, et il a l'impression qu'on lui veut du mal. Cette intériorité me fascine", souligne pour sa part Rafael Wolf, spécialiste cinéma de la RTS.

Manfred Liechti incarne le personnage principal du film "Peter K, seul contre l'Etat" de Laurent Wyss. [aardvarkfilm]
Manfred Liechti incarne le personnage principal du film "Peter K, seul contre l'Etat" de Laurent Wyss. [aardvarkfilm]

Peter K. avait aussi ses supporters. En ville de Bienne, des gens imprimaient des t-shirts à son effigie et des tracts étaient jetés dans les forêts jurassiennes pour tenter de faire revenir le fugitif à la raison. Car "Peter K., seul contre l'Etat" raconte une histoire universelle. "C'est l'histoire de David contre Goliath, du petit individu qui se bat contre la grande machine qu'est l'Etat, explique Laurent Wyss. Ce film dévoile le fait qu'il y a des gens pour qui la société devient trop lourde à supporter. Je crois que l'histoire de Peter K. montre aussi que pour beaucoup de gens, les changements constants de notre société nous oppressent".

Peter K. est toujours incarcéré à la prison de Thoune où il continue de penser que la police et l'Etat le persécutent. De sa cellule, il a pu voir le film de Laurent Wyss à qui il a d'ailleurs écrit une lettre suite à la projection. "Il dit dans cette lettre qu'il est 100% d'accord avec ce film, ce qui m'a quand même surpris parce qu'on le critique tout de même", glisse le réalisateur.

"Peter K., seul contre l'Etat" a cartonné en Suisse alémanique et surtout à Bienne où cette affaire a marqué durablement les esprits.

Propos recueillis par Antoine Droux

Adaptation web: Lara Donnet

"Peter K., seul contre l'Etat" de Laurent Wyss, à voir actuellement dans les salles romandes.

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