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"Creed 3", un pari risqué qui humilie Sylvester Stallone

Une scène du film "Creed 3", Michael B. Jordan vs Jonathan Majors [Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc.]
Débat autour du film "Creed 3" de Michael B. Jordan / Vertigo / 5 min. / le 1 mars 2023
Ce neuvième volet de la saga Rocky, et troisième épisode du spin-off consacré au fils d’Apollo Creed, tente de trouver son autonomie en balayant Stallone de l’équation. Un pari risqué qui cherche sa légitimité dans une histoire de lutte fratricide opposant Adonis Creed à un ami d’enfance.

Quand Adonis était adolescent, il passait ses soirées à fréquenter un certain Damien Anderson, boxeur amateur redoutable qui rêvait d’un titre de champion du monde. Le destin en aura voulu autrement. Après une bagarre de rue impliquant Adonis, qui fuira devant la police, Damien finira en prison pour avoir défendu son ami.

Aujourd’hui adulé, Adonis Creed passe son temps à gérer sa salle d’entraînement et à former la future star de la boxe, Félix Chavez. Mais au moment où Damien, qui vient de purger sa peine, l’approche pour lui demander de lui organiser un match professionnel, Adonis se laisse entraîner dans une spirale où son ancienne amitié devient son pire cauchemar.

Les poings ont la parole

S’appuyant sur cette lutte fratricide entre celui qui est devenu une idole de la boxe et celui qui a l’impression qu’on lui a volé sa destinée, "Creed 3" égrène tout au long de son récit les événements antérieurs qui ont déterminé la culpabilité, et la colère respective, des deux anciens frères ennemis. L’idée étant de charger ce troisième volet d’une thématique sur la nécessité à affronter les démons (les Damien ?) de son passé.

Ce n’est pourtant pas dans ce propos quelque peu éculé qu’on pourra trouver le vague intérêt que peut susciter cette suite. On pourra se sentir davantage concerné par la question de la communication qui lie Adonis à sa jeune fille (sourde comme sa mère), et Adonis à Damien, pour qui l’impossibilité à simplement s’excuser et exprimer des émotions refoulées aboutit à l’absurdité d’un affrontement brutal où les poings remplacent les mots.

Une franchise au bord du K.O.

Reste qu’après un premier volet, sorti en 2015, qui puisait toute sa profondeur du passage de témoin entre Rocky Balboa et Adonis Creed, puis d’un second épisode plus imparfait qui tirait tout de même une réelle force dans les rapports entre pères et fils avec le retour d’Ivan Drago, ennemi russe de "Rocky IV", "Creed 3" peine à nous impliquer véritablement, que ce soit dans ses séquences intimes comme dans ses scènes de boxe sans relief.

L’absence à l’écran de Sylvester Stallone n’y est pas pour rien. Certes, sa disparition de l’univers de Creed paraît légitime pour ne pas enchaîner à vie cette nouvelle saga à celle de Rocky Balboa. Mais la façon dont le créateur de Rocky a été écarté pèse clairement sur un film qui aurait gagné à intégrer cette disparition au sein de son récit et à garder l’humilité nécessaire face à celui sans qui rien de tout ça ne serait.

Stallone a depuis reproché à l’un des producteurs de la saga Rocky, Irwin Winkler, de lui avoir volé ses droits sur sa création et a même déclaré: "Jamais je ne regarderai 'Creed 3'. C'est une situation regrettable, parce que je sais ce que l'on aurait pu faire. Le film est parti dans une direction assez différente de celle que j'aurais voulu lui donner".

En l’état, ce divorce douloureux condamne ce "Creed 3" à tâtonner dans des directions improbables pour trouver sa propre voie. Pas sûr que les éventuels épisodes futurs puissent continuer longtemps à tirer sur la corde d’une franchise à deux doigts du K.O.

Rafael Wolf/sc

"Creed 3" de Michael B. Jordan, avec Michael B. Jordan, Tessa Thompson, Jonathan Majors, à voir actuellement dans les salles romandes.

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