Dans les ruelles de la médina de Salé, au Maroc, Halim et Mina tiennent un magasin de caftans (tunique longue exclusivement portée par les femmes). Les affaires vont tellement bien que le couple décide d'engager un nouvel apprenti: Youssef. Mais la présence du jeune homme va réveiller des sentiments longtemps refoulés chez Halim. En parallèle, Mina va tomber gravement malade, ce qui va l'obliger à se poser des questions essentielles sur son couple et son mari.
Pour Maryam Touzani, l'élément déclencheur de son film est lié à une rencontre: celle d'un monsieur qui tient un salon de coiffure dans la médina de Salé. Même s'ils n'abordent pas de questions intimes, la réalisatrice sent qu'il y a chez lui quelque chose de refoulé par rapport à qui il est véritablement. Cet homme va, par la suite, lui inspirer le personnage d'Halim. Le tailleur de caftan a beau vivre en couple depuis depuis vingt-cinq ans et aimer sa femme profondément, son désir est dirigé vers d'autres hommes.
Des personnages forts
"Halim est une force tranquille, explique Maryam Touzani à la RTS. Il se réfugie dans la broderie traditionnelle pour se couper du monde et panser ses propres blessures. Mina, elle, est une force de la nature. Elle aime son mari, mais elle le protège trop. Sa maladie, une forme grave de cancer, va l'obliger à ouvrir les yeux et chercher la vérité, ajoute la réalisatrice marocaine. De son côté, Youssef, le nouvel apprenti, incarne une nouvelle génération d'hommes qui peut vivre son désir autrement".
Avec "Le bleu du caftan", Maryam Touzani tisse des liens entre ses personnages, mais aussi entre passé et présent. Elle montre aussi son amour pour les traditions, leurs côtés à la fois magnifiques, mais parfois étouffants.
Des acteurs impliqués
L'actrice Lubna Azabal impressionne dans le rôle de Mina. Il faut dire qu'il y a eu tout un travail au niveau physique pour incarner la dégradation de son état de santé. Pour être le plus réaliste possible, Maryam Touzani a engagé une nutritionniste pour accompagner la comédienne belge dans son amaigrissement. "Lubna m'a dit qu'elle ne voulait pas jouer la maladie, qu'elle voulait sentir la mort dans son corps, se sentir partir".
Les rôles masculins ne sont pas en reste. Cela n'a pas été facile pour Maryam Touzani de trouver la perle rare pour incarner le rôle de Youssef, l'apprenti amoureux de son maître. Mais la maturité et l'épaisseur du comédien marocain Ayoub Missioui ont fait pencher la balance. Pour la réalisatrice, Ayoub comprend son personnage, mais il le défend aussi admirablement.
Après avoir abordé la sororité et la question des mères célibataires dans "Adam", c'est désormais la question de l'amour homosexuel qui est traitée dans "Le bleu du caftan": des thématiques taboues au sein de la société marocaine. Mais Maryam Touzani y croit fermement: le cinéma, de par les émotions qu'il suscite, peut faire bouger les choses.
Des propos recueillis par Anne Laure Gannac
Adaptation web: Sarah Clément
"Le bleu du caftan", de Maryam Touzani, à voir actuellement dans les salles romandes.