"Forrest Gump", 30 ans d'histoire américaine dans les yeux d'un candide
Grand Format Cinéma
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AFP - PARAMOUNT PICTURES / Archives du 7eme Art / Photo12
Introduction
Comédie américaine sortie en 1994, "Forrest Gump" est un film à la dramaturgie bonhomme et à la philosophie heureuse, parfois naïve. Réalisé par Robert Zemeckis, il raconte l'histoire d'un simple d'esprit devenu sportif de haut niveau, héros de guerre et inventeur. Le film est à (re)voir les 16 et 22 avril à la Cinémathèque suisse, à Lausanne.
Chapitre 1
Un héros malgré lui
AFp - Paramount Pictures
Forrest Gump est un héros populaire. Touchant, aimant, droit, il est l’homme qui invente le smiley, le déhanché d’Elvis Presley, qui dénonce le scandale du Watergate et qui inspire la chanson "Imagine" à John Lennon. Et tout cela sans en avoir conscience.
Cet homme au QI en dessous de la moyenne, incarné par Tom Hanks, concrétise sans le vouloir tous les rêves américains: champion sportif, héros militaire, businessman comblé et même gourou.
Entre les années 1950 et les années 1980, il est embarqué dans tous les soubresauts de l’histoire américaine et invité par trois fois à serrer la main de trois présidents.
Mais son seul objectif est l’amour de sa belle, Jenny, dont il aura un fils.
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Chapitre 2
Inspiré d'un roman
AFP - Paramount Pictures
Les aventures de Forrest Gump sont inspirées de celles de "Winston Groom", un livre sorti en 1986. Le roman marche moyennement, mais une productrice, Wendy Finerman, s’attache tout de suite aux aventures de ce personnage hors norme.
Elle lui voit des aventures cinématographiques. Mais ce n’est pas si simple, car le personnage traverse l’histoire. Il faut donc filmer dans beaucoup de lieux une foule de personnages avec énormément de moyens.
Mais elle y croit. Pendant huit ans, elle essuie refus sur refus. Elle finit par convaincre la Paramount de produire le film pour cinquante millions de dollars.
On demande aux réalisateurs Terry Gilliam et Barry Sonnenfeld s’ils sont intéressés. Réponse négative. C’est Robert Zemeckis ("Retour vers le futur", "Qui veut la peau de Roger Rabbit") qui hérite avec bonheur du projet.
Le scénario est confié à Eric Roth, qui élague une partie du récit, faisant de Forrest un personnage plus lisse, moins sexué que dans le livre où il expérimentait notamment des drogues.
"Nous avons dû construire ce personnage pièce par pièce", explique Tom Hanks sur CBS en 1994. "Je ne peux pas vous dire combien de conversations nous avons eues avec Robert Zemeckis et Eric Roth, le scénariste, sur ce qui était en jeu. C’était quelque chose d’infini et de subtil. Même quand nous tournions, nous nous penchions sur des nouvelles formes narratives, sur la justesse des mots, sur la manière de les dire, parce que Forrest ne comprend pas tout de la laideur du monde et donc il ne peut pas savoir comment le monde fonctionne".
Le film est donc narré plume au vent, depuis un banc, par le protagoniste principal qui nous fait revivre en ordre chronologique toute sa vie et tout ce qu'il a traversé.
Je ne sais pas si on a chacun un destin ou si on se laisse porter par le hasard comme sur une brise. Je crois que c'est peut-être un peu des deux.
Chapitre 3
Le choix de Tom Hanks
AFP - Paramount Pictures
Pour se surprendre lui-même et peut-être pour surprendre son public, Tom Hanks, 38 ans, oscarisé pour sa performance dans "Philadelphia" de Jonathan Demme, accepte le rôle-titre du film.
"Le monde ne sera plus jamais le même une fois que vous l'aurez vu à travers les yeux de Forrest Gump." Le slogan publicitaire du film est révélateur également du travail du comédien, car il faut donner beaucoup de soi pour que Forrest Gump soit touchant, émouvant et jamais niais. Qu’il soit handicapé, mais jamais diminué, qu’il soit présent, mais jamais complètement là, qu’il soit largué, mais qu’il agisse sur le monde même sans le vouloir.
"Sa philosophie et sa théologie sont réduites à la plus simple expression", explique le comédien. "Sa mère lui a appris qu’il y avait un Dieu, que c’était mystérieux, mais qu’il pouvait être sûr d’une chose: que sa maman l’aimait. Ça n’a l’air de rien et pourtant Forrest Gump est un personnage dont il est impossible de ne pas apprendre quelque chose. Je n’ai eu aucune peine à me mettre à son école. Et il y a des aspects de lui avec lesquels j’étais spontanément accordé. Ainsi sa leçon de s’en remettre aux événements. (...) Et le fait qu’il ne juge rien. C’est une visite rafraîchissante de l’histoire".
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N'est stupide que la stupidité.
Chapitre 4
Acteurs et costumes
AFP - Archives du 7eme Art / Photo12
Ce que Tom Hanks insuffle au personnage, c’est sa vulnérabilité à travers une rigueur de tous les instants. Mais il n’est pas seul. Gary Sinise est le lieutenant Dan, Robin Wright est Jenny, Sally Field est Mamma Gump.
Et puis il y a tous les autres, des milliers de figurants. Pour les habiller, la cheffe costumière Joanna Johnston et son équipe dessinent et supervisent la création de costumes allant de la fin des années 1940 au début des années 1980 et collectent de nombreux vêtements et accessoires à travers tous les Etats-Unis.
Pour Forrest Gump, la costumière imagine un look traditionnel et dépouillé à l’extrême. Bien qu’il change 89 fois de costume, il a toujours le même style basique américain: la chemise à carreaux, le pantalon en toile.
Les tenues de Jenny, par contre, reflètent toutes les modes successives, sixties, seventies, eighties. Pour Mamma Gump, un style sudiste d’une femme des années 1950. L’idée de restituer le passé passe par tous les détails.
Il faut laisser le passé derrière soi si on veut avancer.
Chapitre 5
Le tournage
AFP - Paramount Pictures
Le tournage débute en août 1993 et se termine en décembre de la même année. Pour filmer l’étrange odyssée de Forrest Gump et feuilleter avec lui certaines des pages les plus marquantes de l’histoire américaine, on prospecte dans la plupart des Etats du Sud.
La production établit finalement ses quartiers à Beaufort, en Caroline du Sud, le 8 août 1993. La maison de Forrest Gump est édifiée sur un vaste terrain dans un style sudiste tel qu’on pourrait le voir sortir d’"Autant en emporte le vent".
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Tout près de là, la rivière locale est employée pour les séquences de la guerre. Un terrain vague héberge lui un décor de jungle et un village vietnamien.
Un site voisin ravagé par un incendie est le théâtre d’un gigantesque bombardement au napalm orchestré et simulé par un pyrotechnicien à l’aide de 3000 litres d’essence.
Le meeting de Washington
Après avoir passé deux mois en Caroline du Sud, l’équipe de "Forrest Gump" s’envole pour Washington où est recréé le grand meeting pacifiste de 1967 à proximité du Lincoln Memorial, pour en finir avec la guerre du Vietnam.
Des sosies sont engagés pour représenter certaines figures emblématiques de ce temps, dont Coretta Scott King, l’épouse de Martin Luther King, militante pour les droits civiques, ou Abbie Hoffman, militant anarchiste influent des années 1960 et 1970 et qui utilisait l’humour comme arme politique.
La scène est tournée avec 1500 figurants habillés en hippies, que la magie des effets spéciaux multiplie à plusieurs centaines de milliers. On fabrique des centaines de pancartes et banderoles.
Des camions régie d’époque sont déployés aux abords du Lincoln Memorial pour ajouter encore à l’authenticité de la scène préparée par une étude minutieuse de photos et de films d’archives.
Les prises de vue se poursuivent jusqu'au début du mois de décembre, entraînant acteurs et techniciens dans un vaste périple. On commence par Savannah, en Géorgie, parce que c’est joli. C’est là qu'on s’installe pour tourner les séquences initiales du banc, qui vont servir de liant à toute l’histoire.
Pour le reste, une seconde équipe filme la longue course de Forrest en Caroline du Nord, dans le Vermont, le Maine, le Montana, l’Arizona jusqu’à Monument Valley dans l’Utah.
Les archives
Tout un travail a également été élaboré pour reconstituer les archives. "Nous avons fait une sorte de casting d’archives, et ensuite, nous avons tourné toutes ces séquences comme un vrai film avec des vraies caméras", raconte Tom Hanks. "Mais ensuite il y a eu tous ces moments où j’ai tourné devant un écran bleu, où je réagissais à des événements préenregistrés. Ils ont fait une sorte de mariage entre les éléments d’archives existants qui ont été pixellisés et d’autres éléments générés par l’ordinateur. Grâce à l’équipe des effets spéciaux, je ne sais pas comment mais j’ai fini par avoir Lyndon Johnson avec ses bras autour de mon cou… c’est assez extraordinaire".
Le voir serrer la pogne de JFK, de Johnson, de Nixon, de croiser John Lennon, c’est assez bluffant. Car si tous ces effets semblent dérisoires aujourd'hui, à l’époque, ces techniques de morphing et d’intégration dans l’image étaient du vrai travail de pro.
La vie, c'est comme une boîte de chocolats: on ne sait jamais sur quoi on va tomber.
Chapitre 6
Sortie du film
AFP - DAN GROSHONG
Robert Zemeckis est un magicien qui fait triompher la bonne humeur enthousiaste doublée d’une originalité qui rayonne de personnages aussi plausibles qu’inattendus, optimistes, dynamiques, râleurs, moqueurs.
En 1994, quand le film sort, la critique craint un taux élevé de mièvrerie. Mais Zemeckis en joue, se sert de "Forrest Gump" pour faire la critique de sa génération de boomers.
Très vite, le film cartonne. La presse est mitigée, mais le public se presse au cinéma. Tout le monde s’arrache le livre et la bande originale du film tourne sur toutes les radios.
Pour Tom Hanks, le succès du film vient de son côté apolitique, qui ne porte aucun jugement. Forrest Gump se contente de célébrer l’instinct de lutte et de survie.
Le film rapporte 680 millions dollars au box-office mondial, alors qu'il en a coûté 55 millions. Il reçoit une pluie de prix de par le monde, des Golden Globes, des Bafta, des Saturn Awards, et le Graal, les Oscars 1995 du meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleur montage, meilleurs effets visuels et meilleur acteur.
"Forrest Gump" remporte également une autre victoire populaire. Il est devenu avec "Star Wars" le film qui compte les phrases les plus citées.