Avec "Les oubliés de la Belle Étoile", Clémence Davigo brise un silence
La réalisatrice française Clémence Davigo est fascinée par l'enfermement. Son premier film intitulé "Enfermés mais vivants" (2018) et son dernier, "Les oubliés de la Belle Étoile", sont deux documentaires qui traitent de manière très différente cette problématique. "J'ai toujours été sensible à ces questions d'enfermement, de justice. Je crois que c'est plus une histoire de rencontres. Des gens qui m'ont touché, qui se sont battus pour rester vivants", dévoile Clémence Davigo à la RTS.
Originaire de Faux-la-Montagne, dans la Creuse, c'est à Lyon que la jeune femme a suivi une formation de plasticienne aux beaux-arts pendant cinq ans. Elle y expérimente le dessin la sculpture, la gravure, la photo, la vidéo, et de fil en aiguille, son goût pour l'image se développe.
Après les beaux-arts, Clémence Davigo s'inscrit à l'école de cinéma documentaire de Lussas, travaille dans une télévision locale, et réalise un court métrage avant de s'atteler à son premier documentaire intitulé "Enfermés mais vivants". Un film qui raconte comment, dans une ancienne prison de Lyon, Annette et Louis se sont aimés durant 18 ans. Lui dedans, elle dehors.
La fin d'un silence de soixante ans
A travers ce premier documentaire et cet homme, Louis, la réalisatrice entend parler de l'ancien centre de redressement catholique La Belle Étoile en Savoie. Un établissement où étaient recueillis dans les années 1950 à 1970, des enfants de 5 à 16 ans, pupilles de la nation, orphelins ou enfants de la DDASS. Michel, Daniel et André en font partie.
Soixante ans plus tard, les trois hommes se retrouvent grâce aux réseaux sociaux et, avec la complicité de la réalisatrice Clémence Davigo, se réunissent, le temps d'un été, dans une maison située à quelques kilomètres du centre de redressement.
Les ex-pensionnaires racontent en creux les maltraitances terribles qu'ils y ont subies: coups, attouchements, punaises sous les ongles, humiliations, viol. Grâce à leur amitié et leur soutien mutuel, ils décident de briser l'omerta en s'adressant à la Cellule d'écoute catholique des diocèses de Savoie.
Un film nécessaire
L'Eglise catholique a vu le documentaire peu de temps avant la projection au festival Visions du Réel qui se tient actuellement à Nyon. "Je tenais à leur présenter le film, ça me semblait normal. Notamment aux personnes de la Cellule d'écoute. Ils ont beaucoup aimé le film, ils ont été très touchés, car il est représentatif de leur travail d'écoute. Evidemment, ils ont été un peu gênés. Ils ont pris conscience que ces choses allaient devenir publiques", explique la réalisatrice.
Après la projection, le numéro de téléphone et l'adresse mail de Clémence Davigo ont circulé et elle a reçu des pressions de la part des personnes mises en cause dans son documentaire. Preuve de la nécessité de ce film qui libère la parole, sans avoir peur des silences… "Les oubliés de la Belle Étoile", une épopée bouleversante sur le chemin de la mémoire et de la justice. Magistral.
Propos recueillis par Julie Evard
Adaptation web: ld
"Les oubliés de la Belle Étoile", en compétition internationale au festival Visions du réel à Nyon dans la catégorie long métrage. Une projection a encore lieu jeudi 27 avril à 13h30.