Il semble loin, le temps où les studios Pixar alignaient les réussites éclatantes, repoussant les limites esthétiques et narratives du cinéma d’animation. "Toy Story", "Monstres et Cie", "Le monde de Nemo", "Les Indestructibles", "Cars", "Ratatouille", "Wall-E", "Là-haut", "Vice-versa" appartiennent désormais à une époque révolue. Disney a racheté le studio et le directeur de la création chez Pixar, John Lasseter, a quitté le navire suite à des accusations rapportant des gestes déplacés et des comportements inadéquats de sa part.
Depuis, Pixar navigue à vue entre suites opportunistes et sursauts créatifs, comme "Coco". Mais les échecs critiques et publics cinglants du "Voyage d’Arlo" et de "Buzz l’éclair", puis les sorties directement sur la plateforme Disney+ de "Soul", "Luca", et d’"Alerte rouge", ont confirmé la période de crise que traverse le studio. Le démarrage catastrophique d’"Elémentaire", sorti le week-end passé aux Etats-Unis, risque d’accentuer les problématiques intestines au sein d’une entité qui ne paraît plus dotée de la même force visionnaire qu’auparavant.
Une Flam et un Flack
Pour autant, tout n’est pas à jeter dans "Elémentaire", loin de là. Situé dans la mégapole d’Element City, le film pose un univers chatoyant où cohabitent, tant bien que mal, les quatre éléments, même si le feu paraît plus ostracisé que les autres.
Avec sa famille immigrée, la jeune Flam, au tempérament incendiaire, s’apprête à reprendre les rênes de l’épicerie de son père au moment où elle se retrouve confrontée à Flack, un employé aquatique de la cité, aussi zélé que sentimental. Alors que les fuites d’eau inondent le commerce familial, menacé de fermeture par les autorités, Flam et Flack s’associent pour empêcher le pire. La défiance se transforme en amitié, puis en amour, entre le duo qui infirme l’adage courant: "l’eau et le feu ne se mélangent pas".
Un programme balisé
Développant un propos limpide sur les différences, l’immigration et l’intégration, "Elémentaire" impose quelques belles trouvailles visuelles autour du feu et de l’eau, dont le rendu technique à l’écran est plutôt impressionnant, même si l’on peut regretter que les éléments liés au bois et à l’air soient relégués au second plan. Mais une fois les enjeux dramatiques fixés (dépasser les clivages, tempérer sa colère, voler de ses propres ailes), le récit glisse sur des rails thématiques rectilignes et déroule un programme narratif passablement balisé.
De la romance improbable et contrariée entre Flack et Flam, des obstacles basiques et univoques condamnant l’histoire à tourner en rond, et du message certes positif, mais dénué de complexité, tout concourt à sacrifier en partie la singularité et l’originalité des anciennes productions Pixar sur l’autel du formatage et du lissage propres à Disney.
Loin d’être indigne, "Elémentaire" n’est juste pas à la hauteur des grandes réussites du studio et nous oblige à revoir dorénavant nos attentes à la baisse.
Rafael Wolf/mh
"Elémentaire", film d’animation de Peter Sohn, à voir actuellement dans les salles romandes.
Le dernier Pixar est passé par la Suisse
C’est en effet aussi grâce à la technologie développée à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) que les personnages du film existent. C’est une intelligence artificielle née dans les laboratoires de l’EPFZ qui anime les créatures de feu. Et en particulier Flamme, l’héroïne principale, qui vit à Element City, une ville imaginaire où cohabitent des êtres de feu, d'eau, de terre et d'air.
Une fille de feu née en partie dans les laboratoires zurichois. Le défi était de la faire se mouvoir comme si elle était réellement faite de flamme dans tout son corps et pas d’un squelette, comme c’est le cas habituellement dans les films d’animation. Même quand il s’agit d’animer des jouets, comme dans "Toy Story", c’est une matière qui est figée, le plastique, alors que le feu et l’eau bougent constamment. Un exemple : quand Flamme tend le bras, il s’allonge et s’affine, comme le feu.
C’est là que la nouvelle technologie de simulation 3D, qui utilise l'intelligence artificielle de l’EPFZ, a fait la différence. Elle avait déjà été utilisée une première fois dans "Raya et le dernier dragon" pour les bouffées de fumée circulaires qui se répandaient d'une ruine.Alexandra Richard