"Pretty Woman", Cendrillon des temps modernes

Grand Format Cinéma

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Introduction

Le film "Pretty Woman", c'est le mythe de "Cendrillon" et de "My Fair Lady" revisité en version contemporaine dans une comédie romantique de Garry Marshall, sortie en 1990. Le long métrage a lancé la carrière d'une actrice alors méconnue, une certaine Julia Roberts, qui partage l'affiche avec Richard Gere.

Chapitre 1
Une fable emblématique

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"Pretty Woman" raconte l'histoire d'une prostituée qui monte dans la voiture d'un homme d'affaires égaré.

A l'époque, en 1990, absolument tout le monde a vu ce film et a craqué pour la jeune actrice. C'est un début de carrière fulgurant. Julia Roberts fait la une des magazines du monde entier.

Au moment de sa sortie, le film est vivement critiqué pour sa représentation sexiste, machiste et stéréotypée. Mais le film passe par-dessus ces écueils grâce à son côté presque naïf et la complicité des acteurs. Cette envie qu'on a de croire à cette histoire d'amour en a fait un film totalement culte.

"Pretty Woman", c'est aussi un titre emblématique, reconnaissable, composé par Roy Orbison et Bill Dees en 1964.

Edward Lewis (Richard Gere) est un homme d'affaires désabusé et richissime. Dans son boulot, il démantèle des entreprises en difficulté. Ses exploits financiers sont devenus, au fil des années, sa principale source de plaisir et sa seule raison de vivre.

Venu à Los Angeles pour liquider le chantier naval du vieux James Morse, Edward va croiser par hasard Vivian, une prostituée qui arpente chaque nuit les trottoirs d'Hollywood Boulevard.

Perdu sur le boulevard, au volant de sa voiture, Edward demande son chemin à Vivian qui accepte de le conduire jusqu'à son palace. Il accepte et le lendemain l'engage comme escorte pour la suite de son séjour.

Vivian découvre alors un monde dont elle ignorait tout: les boutiques de mode, les coiffeurs de stars, les grands restaurants.

Avec la complicité bienveillante du directeur du palace, la jeune femme se transforme en femme du monde. Edward se prend au jeu, la couvre de cadeaux et l'entraîne toujours plus loin avec une désinvolture et un égoïsme aveugle. Jusqu'au jour où il découvre que Vivian est tombée amoureuse de lui et qu'elle lui est devenue indispensable.

Chapitre 2
De la critique sociale au mythe grec

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Cette histoire est presque un classique grec. C'est le mythe de Pygmalion, le sculpteur tombant amoureux de sa création, Galatée. C'est aussi ce mythe que l'on retrouve dans le film de George Cukor "My Fair Lady". Le même qui transparaît dans "Cendrillon" et dans des dizaines de comédies américaines.

C'est l'histoire du prince et de la bergère: ils n'ont rien en commun, rien qui les unit, ils ne peuvent vivre ensemble, et pourtant, l'amour sera plus fort que tout. C'est aussi une histoire de transformation: Edward, au contact de Vivian, devient altruiste et gentil, Vivian quant à elle sort de son carcan et devient une princesse. Chacun y gagne et l'amour triomphe.

Julia Roberts et Richard Gere dans "Pretty Woman". [AFP]
Julia Roberts et Richard Gere dans "Pretty Woman". [AFP]

Pourtant, à l'origine, le scénario proposait une tout autre fin.

Ecrite par J.F. Lawton, l'histoire initiale est dramatique. On y montre une Amérique en pleine déroute financière. A la fin des années 1980, le film se veut une critique du reaganisme, des yuppies agressifs et des ravages de la drogue également.

Intitulé "3000", soit le prix offert par Edward pour passer la semaine avec Vivian, le scénario de base montrait une prostituée toxicomane payée pour une semaine, qu'Edward lâchait sur le trottoir où il l'avait rencontrée en lui lançant les billets à la figure. La jeune prostituée succombait ensuite à une overdose. Une histoire très loin de la comédie romantique.

Julia Roberts incarne Vivian dans "Pretty Woman". [AFP]
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C'est là que Garry Marshall intervient. Réalisateur de télévision et producteur de la série culte "Happy Days" diffusé sur ABC de 1974 à 1984, il est mandaté par Touchstone, soit les studios Disney, pour faire de ce drame un conte de fées moderne.

>> A lire aussi : Le réalisateur de "Pretty Woman" est décédé à l'âge de 81 ans

Le succès de la rencontre tient à une bonne astuce du scénario: les deux protagonistes ont autant de casseroles l'un que l'autre. Vivian vend son corps pour de l'argent, Edward vend son âme pour détruire des entreprises. Les moeurs et la finance.

Ils se trouvent tous deux à la croisée des chemins, là où l'on commence à se poser des questions sur le sens de la vie.

Chapitre 3
Un jeune premier et une inconnue

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Jouer une prostituée au grand coeur et un yuppie au coeur sec, pas facile pour une carrière d'acteur. Nombreux sont les actrices et acteurs qui refusent de jouer dans "Pretty Woman", de peur que cela n'affecte leur carrière. D'autant que le réalisateur vient de la télévision et qu'il n'a pas fait de grands succès au cinéma.

Al Pacino refuse, tout comme Michelle Pfeiffer, Daryl Hannah, Sandra Bullock, Brooke Shields ou Meg Ryan.

En 1989, Julia Roberts a tout juste 22 ans. Elle a fait un peu de télévision et des spots publicitaires. Elle vient de démarrer au cinéma. Elle a la beauté de Marilyn Monroe et la sophistication d'Audrey Hepburn. Elle rit franchement, elle est désarmante, tout le monde l'adore. Elle a un sourire à faire fondre les coeurs. C'est elle qui jouera Vivian.

Julia Roberts et le réalisateur Garry Marshall sur le tournage de "Pretty Woman". [AFP - SILVER SCREEN PARTNERS IV]
Julia Roberts et le réalisateur Garry Marshall sur le tournage de "Pretty Woman". [AFP - SILVER SCREEN PARTNERS IV]

Je n'ai jamais eu de plan de carrière. 'Pretty Woman' est un énorme coup de chance pour moi. Mais depuis le triomphe de ce film, toute ma vie m'échappe. J'essaye juste d'être contente de ce que j'ai, sans plus chercher à contrôler.

Julia Roberts

Dans "Pretty Woman", Vivian apparaît avec ses cuissardes vernies noires, zippées, sa perruque blonde, sa minijupe radicale, avant de se transformer en femme du monde avec son caractère. Un caractère proche de celui de Julia Roberts dans la vie: "Je réagis souvent comme mon personnage qui dit tout ce qui lui passe par la tête, car elle n'a rien à perdre ou à gagner et elle se moque de ce que les gens pensent d'elle", confie-t-elle. C'est aussi ce qui lui fera accepter le rôle de sa vie et qui fera d'elle une star mondiale.

Mais Julia Roberts a failli refuser le rôle à cause de sa mère, catholique pratiquante, qu'elle a craint de choquer avec ce personnage. Elle n'a dit oui qu'après avoir appris que le film était produit par Disney.

Richard Gere est Edward dans "Pretty Woman". [AFP]
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Quant à Richard Gere, il refuse deux fois le rôle. Il ne comprend pas bien l'histoire, l'alchimie qui peut se créer entre deux êtres pas si différents. Il finit par être convaincu par Julia Roberts qui lui tend un post-it lors de leur première rencontre, le suppliant d'accepter de faire le film.

Richard Gere, célèbre pour ses rôles dramatiques ou pour avoir joué les minets dans "American Gigolo", ne voulait pas faire ce film car trop différent de ses rôles habituels: "Mais j'ai craqué devant Julia et devant le metteur en scène. Dans ce film, ce sont les situations qui sont drôles. J'ai tenté d'y ajouter une touche de charme et d'ironie".

Les deux comédiens deviennent amis sur le tournage, complices.

>> A écouter: l'émission "Travelling consacrée à l'émission" :

Julia Roberts dans "Pretty Woman" (1990) de Garry Marshall. [AFP - Photo12.com - Collection Cinema / Photo12]AFP - Photo12.com - Collection Cinema / Photo12
Travelling - Publié le 7 août 2023

Chapitre 4
Une doublure corps

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Le tournage a lieu à Los Angeles. On filme de nuit sur Hollywood Boulevard et sur Rodeo Drive à Beverly Hills. Puis à Burbank dans les studios Disney, dans lesquels on construit le penthouse du Regent Beverly Wilshire Hotel.

Pour travailler son personnage, Julia Roberts se promène dans les quartiers chauds de Los Angeles. Au début, aucune prostituée ne veut lui parler. Mais elle finit par y arriver. Elle y découvre plus d'humanité qu'elle n'aurait imaginé, mais rencontre des femmes meurtries aux parcours de vie chaotiques.

Dans "Pretty Woman", Julia Roberts incarne une prostituée. [AFP]
Dans "Pretty Woman", Julia Roberts incarne une prostituée. [AFP]

Quand c'est à son tour de revêtir le costume de prostituée, Julia Roberts se sent très mal, elle qui est très sobre dans la vraie vie. Dans le film, elle est doublée pour certaines scènes par Shelley Michelle. Son corps de rêve n'est donc pas toujours le sien. Ainsi sur l'affiche du film, se sont les jambes de sa doublure corps "greffées" sur Julia Roberts.

Le tournage est plutôt facile. La connivence entre les deux acteurs principaux se ressent.

Chapitre 5
Incarnation du rêve américain

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En 1989, le film est terminé. "Pretty Woman" sort fin mars 1990 et explose au box-office. En quelques mois, il rapporte plusieurs fois sa mise. Quand "Pretty Woman" débarque en Europe en septembre 1990, les chiffres grimpent encore pour atteindre 463,4 millions de dollars.

Julia Roberts crève l'écran. Son talent et son charme agissent sur toutes et tous. C'est elle la magnifique incarnation du rêve américain.

Les recettes sont faramineuses, les critiques plutôt élogieuses, même si les journalistes ont parfois de la peine à dire qu'ils ont adoré. La presse ne veut pas sanctifier trop vite cette trop belle et trop talentueuse actrice, mais elle s'en moque. Julia Roberts poursuit sa carrière avec talent et sans donner trop de prise à ceux qui veulent la voir tomber.

"Pretty Woman" devient culte. La comédienne est nommée aux Golden Globes et aux Oscars et c'est pour elle de début d'une longue et magnifique carrière.

L'affiche du film "Pretty Woman" de Garry Marshall. [AFP - SILVER SCREEN PARTNERS IV]
[AFP - SILVER SCREEN PARTNERS IV]