Pour son nouveau long métrage, Christopher Nolan a choisi de fixer sa caméra sur la vie et le destin de Robert Oppenheimer (1904-1967). Juif new-yorkais issu d’une riche famille et brillant physicien, il a été le directeur scientifique du "Projet Manhattan", un programme de recherche qui a permis de produire la première bombe atomique durant la Seconde Guerre mondiale.
Dans ce biopic, le réalisateur britanno-américain d'"Inception" et "Tenet" a choisi de faire l’impasse sur toute l'enfance et la jeunesse du scientifique américain, une période de sa vie où Oppenheimer va pourtant développer de nombreuses névroses, et pas des moindres.
Trois temporalités entremêlées
Très confus durant les vingt premières minutes, "Oppenheimer" réclame une concentration de chaque instant, la faute à une narration chahutée où trois temporalités s’entremêlent. Un procédé qui peut paraître artificiel, mais qui, au final, amène de l’ampleur au film et en fait une œuvre extrêmement riche, foisonnante, passionnante.
Ainsi, on découvre Robert Oppenheimer faisant face à des accusateurs dans un bureau étroit, sans public, sans journaliste. La scène se passe dans les années 1950, en plein maccarthysme. L'homme n’échappe pas à la chasse aux sorcières, lui qui n’a jamais dissimulé son penchant pour les idéaux communistes. Cette commission mène une enquête à charge visant à le discréditer.
En parallèle, des images de ce que l’on prend pour un autre procès quelques années après s’intercalent. Lewis Strauss, qui a ouvert les portes de l’Université de Berkeley à Oppenheimer et donc ouvert les portes du succès, est interrogé par des sénateurs pour obtenir un poste-clé dans l’administration américaine. Ce qui devait être une formalité tourne court lorsqu’on lui demande d’expliquer comment et pourquoi il est devenu un ennemi d'Oppenheimer et ce qu'il a à voir avec la fameuse commission.
Vivre avec des morts sur la conscience
Enfin, entre ces deux périodes, Christopher Nolan déroule la vie et l’œuvre d'Oppenheimer, sa détermination à vouloir faire barrage à l’Allemagne nazie, qui a bien failli posséder l’arme atomique avant tout le monde grâce aux travaux de scientifiques juifs qui ont œuvré à Göttingen. Sans lui, son entêtement, ses collaborateurs, sans le soutien du lieutenant général Groves, sans certains paris risqués, jamais les Américains ne seraient parvenus à leurs fins.
Plus on avance dans le film, plus on comprend cette dichotomie qui le torture et le consume de l’intérieur, entre le scientifique qui veut réussir à créer cette bombe et le sang qu’il aura sur les mains. Le physicien sait depuis toujours que sa bombe pourra détruire le monde, mais il veut croire que cette arme de destruction massive deviendra un gage de paix mondiale, quitte à devoir l’utiliser pour démontrer sa puissance dévastatrice. Et tant pis pour les 200'000 Japonais sacrifiés. Il devra vivre avec ces morts sur la conscience jusqu’à la fin de ses jours.
Excellent casting
Cillian Murphy, un fidèle du réalisateur Christopher Nolan, apparu en Epouvantail dans ses "Batman", mais aussi dans "Inception" ou "Dunkerque", compose un Oppenheimer tout en nuance. La subtilité de son jeu permet de découvrir un personnage tour à tour arrogant, volontaire, brillant orateur, meneur d’hommes, mais aussi un type fragile en équilibre précaire.
A ses côtés, on trouve Matt Damon qui tient le rôle du lieutenant-général Leslie Groves, Robert Doney Jr celui de Lewis Strauss ou encore Emily Blunt qui incarne l’épouse bafouée, mais qui pousse son mari à se battre. Un casting qui excelle.
Sujet radio: Philippe Congiusti
Adaptation web: aq