"Son agresseur n'était pas Guy Béart", son père chanteur décédé en 2015, a souligné la coréaliste Anastasia Mikova, mardi lors de la présentation du documentaire à la presse dans les locaux de M6. Une précision faite à la demande de l'actrice française de 60 ans, qui n'était pas elle-même présente pour "raisons familiales".
Emmanuelle Béart "ne souhaite pas" dévoiler l'identité de son agresseur, car cela n'est pas "la démarche" du film, a poursuivi sa coréalisatrice et amie.
Briser le silence
Dans ce documentaire intitulé "Un silence si bruyant", les deux femmes recueillent la parole de quatre victimes d'inceste, et Emmanuelle Béart livre en écho des éléments de sa propre histoire. "Si mon père, ma mère, mon école, mes amis ne voient rien, c'est que tout peut recommencer, et tu recommenceras pendant quatre ans", dit-elle en voix off en s'adressant à la personne qui l'a agressée. Selon elle, c'est sa grand-mère qui a "sauvé (sa) peau".
"Je ne voulais pas prendre la parole, je voulais faire un espace de parole pour les autres. Confrontée à eux, à leur sincérité, à leur courage, je me suis dit que je devais moi aussi parler", a expliqué dans un message vidéo projeté à la presse l'actrice, révélée par le film "Manon des sources" en 1986.
Les témoins sont Norma, violée par son grand-père dans son enfance, Pascale, qui a occulté jusqu'à la cinquantaine les abus infligés par son père, Sarah, dont l'ex-compagnon a abusé de leur petite fille entre quatre et huit ans, et Joachim, qui accuse ses parents d'inceste, ce qu'ils nient.
Une prise de conscience collective
Selon la Ciivise (Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants), lancée en France en janvier 2021 après la prise de conscience provoquée par l'ouvrage "La Familia grande" de Camille Kouchner, 160'000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en Hexagone et 5,5 millions d'adultes ont été victimes dans leur enfance, le plus souvent au sein de leur famille.
Cette situation nécessite une "réponse politique et sociétale", a plaidé Emmanuelle Béart. Le documentaire sera projeté le 19 septembre au secrétariat d'État chargé de l'Enfance.
"Je salue le courage d'Emmanuelle Béart et de celles et ceux qui témoignent à ses côtés. Il faut une prise de conscience collective de ce fléau qui continue à détruire tant d'enfants", a réagi la secrétaire d'Etat à l'Enfance française, Charlotte Caubel, sur X (ex-Twitter).
"Une grande campagne gouvernementale sera annoncée dans les prochains jours. Elle sera diffusée en parallèle de ce documentaire et d'autres émissions qui concerneront ce sujet", a par ailleurs indiqué le secrétariat d'Etat dans un communiqué.
Début juin, le gouvernement avait présenté les axes d'un futur plan contre les violences faites aux enfants centré sur les violences sexuelles, déjà jugé "timide" et "manquant d'ambition" par les associations.
afp/aq