Sophie est la meilleure élève en mathématiques de son lycée. Alors qu’elle vise des études d’agronomie pour continuer le travail à la ferme familiale, la voici poussée par son professeur vers une "prépa" scientifique. Les classes préparatoires, d’une durée de deux ans, amènent les élèves aux concours d’entrée des grandes écoles.
Un système égalitaire "à l’origine voulu par Napoléon afin que tout le monde ait un accès aux meilleures écoles, comme polytechnique, par son travail et non plus par son origine", explique Frédéric Mermoud. "Ce qui m’intéressait dans 'La voie royale', c’est de suivre une très jeune fille, Sophie (incarnée par l’excellente Suzanne Jouannet), à l’orée d’un grand moment, lorsque l’on devient acteur de sa vie".
Comment rejoindre le centre?
Convaincue de se lancer dans l’aventure de la prépa, Sophie devient interne dans une prestigieuse école à Lyon. Alors même qu’elle ne vit pas très loin de la ville, elle se rend compte qu’elle n’a pas les codes du milieu dans lequel elle va devoir se faire une place. Plutôt que de la jouer villes contre campagnes, Frédéric Mermoud préfère parler de périphérie: "C’est une notion que j’aime bien parce que j’ai le sentiment qu’on est tous à la périphérie de quelque chose. On se demande toujours comment faire pour quitter cette périphérie et rejoindre un centre et ce qui nous autorise à le faire".
"Pour autant, souligne le réalisateur valaisan, elle n’est pas une transfuge de classe. Elle ne vient pas d’un milieu pauvre, elle n’a pas honte de ses racines. J’aimais bien cette idée que sa famille soit aimante et harmonieuse. Le problème n’est pas de s’en extraire, mais le fait de partir va changer la donne. Du côté de la famille, comme du sien en intégrant un nouveau milieu".
Un regard politique?
Après s’être essayé au polar et au thriller ("Complices", "Moka"), Frédéric Mermoud filme, dans son troisième long métrage de fiction, quelques scènes qui dispensent un discret message politique. Par exemple, cette séquence où, invitée pour un repas de famille dans une très bourgeoise famille lyonnaise, Sophie comprend qu’elle est considérée comme faisant partie de la "diversité", au même titre que les élèves issus de l’immigration.
"C’est une chose qui s’est révélée au fur et à mesure avec la monteuse du film, Sarah Anderson, explique le réalisateur suisse. Plus on avançait dans le montage plus on voyait la naissance d’une conscience politique". Ajoutez à l’histoire un frère très engagé (Cyril Metzger) et vous aurez "deux types de confrontation. Dont l’une beaucoup plus brutale avec les paysans en colère face à la police".
Changer le monde?
Au gré de son parcours et de ses rencontres, Sophie renforcera ses convictions, jusqu’à coller littéralement à la devise de l’Ecole Polytechnique: "Vous avez le pouvoir de changer le monde". Un slogan assumé avec une certaine naïveté, comme le reconnaît le réalisateur: "Naïveté dans le sens où son programme n’est pas écrit, mais vient d’une certaine sensibilité. On sent qu’elle va faire quelque chose de son parcours, de cette révélation".
Déjà sorti en France, les réactions étonnent Frédéric Mermoud: "J’ai reçu plein de témoignages de gens qui me disent que c’est leur histoire que j’ai racontée. Le personnage vit des choses singulières, mais que nous avons tous senties".
Pierre Philippe Cadert/aq
"La voie royale" de Frédéric Mermoud, avec avec Suzanne Jouannet, Marie Colomb, Maud Wyler. A voir actuellement dans les salles romandes.