Né à Lyon en 1944 de parents résistants, Pierre Goldman (demi-frère du chanteur Jean-Jacques Goldman) a toujours rêvé de marcher sur leurs traces. Sa vie bascule pourtant en décembre 1970, lorsqu'il est arrêté pour le meurtre de deux pharmaciennes, boulevard Richard-Lenoir à Paris, au cours d'un hold-up en décembre 1969.
Bien qu'il crie son innocence, l'homme est reconnu coupable par la cour d'assises de Paris le 14 décembre 1974 et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Après l'annulation de cet arrêt par la Cour de cassation, il est rejugé aux Assises de la Somme le 4 mai 1976.
Lors d'un deuxième procès, l'accusé devient en quelques semaines l’icône de la gauche intellectuelle. Simone Signoret et Régis Debray assistent aux débats, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir le soutiennent. Alors jeune avocat, Georges Kiejman assure sa défense avec brio. Pierre Goldman sera finalement acquitté au bénéfice du doute, puis assassiné en plein Paris en 1979.
Un vrai goût pour la langue et pour le danger
Pour son long métrage, Cédric Kahn ("Vie sauvage", "Une vie meilleure", "Fête de famille") a confié le rôle principal à l'acteur Arieh Worthalter et celui de l'avocat de la défense à Arthur Harari. Au coeur du film - dont le scénario est basé sur le compte rendu du procès ainsi que sur des passages du livre de l'accusé: "Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en France" - une question: comment juger un homme dont la défense principale est: "Je suis innocent car je suis innocent", une punchline parmi d'autres avancée par cet homme doué pour les mots, la langue et la dialectique d'une manière générale?
"Sa personnalité m'intéressait beaucoup et j'ai une certaine admiration et fascination pour son langage, sa pensée, son irrévérence aussi", explique Cédric Kahn dans l'émission Vertigo.
"C'est sa langue qui me plaît et c'est sa langue qui m'a donné envie de faire le film. Il a l'art du contrepied. Il peut dire des choses qui peuvent être très déstabilisantes pour son auditoire, analyse encore le réalisateur français. Il y a un vrai goût du danger dans sa vie, mais aussi dans sa manière d'appréhender son procès et de se défendre. Une vraie prise de risque qui m'a aussi séduit."
Le fonctionnement de la justice
Mise en scène épurée, sans musique ni flashbacks: seul le procès est filmé, donnant au spectateur une sensation de huis clos. De cette mise en scène minimaliste se dégage pourtant une force. "Je ne voulais pas qu'on bascule dans l'identification au personnage", expliquait à l'AFP Cédric Kahn ce printemps à Cannes où son film a été projeté en ouverture de la Quinzaine des cinéastes, une des sélections parallèles du festival.
Durant presque deux heures, on assiste aux joutes verbales de ce procès et l'on se retrouve dans la même position qu'un juré. Une volonté de la part du réalisateur afin de montrer le fonctionnement de la justice française. Quant à la culpabilité ou à l'innocence de Pierre Goldman, "le film ne tranche pas la question, ce n'est pas le sujet", assure son réalisateur.
Des propos recueillis par Anne Laure Gannac
Adaptation web: aq avec ats/afp
"Le procès Goldman" de Cédric Kahn. A voir actuellement dans les salles romandes.
La veuve de Pierre Goldman sort du silence
Suite à la sortie du film en salle, Christiane Succab-Goldman, veuve de Pierre Goldman, s'est exprimée pour la première fois publiquement depuis 44 ans. Interrogée dans Le Monde la semaine dernière, elle a réagi au film en y dénonçant des erreurs et des affabulations et a regretté n'avoir pas été consultée par le réalisateur.
"Si je parle aujourd’hui c’est qu’il y a eu des choses accumulées avec le temps, néfastes pour moi et ma famille, a-t-elle confié. Des rumeurs, des livres, des légendes sur Pierre, des propos rapportés qui n’ont jamais existé, des phrases de lui mal interprétées, des choses inventées, consciemment ou inconsciemment malveillantes, insupportables… Vivant ou mort, Pierre a été un objet de fantasmes forcenés. Le film de Cédric Kahn a sans doute été l’étincelle qui m’a incitée à sortir de ma réserve. J’y deviens une vraie fausse moi-même".
L'épouse de Pierre Goldman n'a non plus pas apprécié qu'un personnage censé la représenter soit présent au procès. "La vérité, c’est que je n’y étais pas présente, pas davantage qu’au premier procès, ni dans la salle, ni à la barre. J’ai, de fait, voulu témoigner pour Pierre, mais il s’y est opposé. Il voulait absolument me préserver de tout ça. C’est déjà une chose qu’on aurait pu respecter", ajoute-t-elle.