"La Boum", le film d'une génération

Grand Format Cinéma

Sophie Marceau dans une scène mythique du film "La Boum" de Claude Pinoteau, 1980 / DR

Introduction

Comédie romantique de Claude Pinoteau sortie en 1980, "La Boum" suit le quotidien de Vic, une adolescente de 13 ans face à ses amours et à ses parents. Décryptage d'un film culte à voir ou revoir à la Cinémathèque suisse le vendredi 27 octobre. Une projection suivie d'une soirée spéciale.

Chapitre 1
Deux histoires d'amour en parallèle

Brigitte Fossey et Claude Brasseur dans "La Boum" de Claude Pinoteau, 1980. DR

Victoire, surnommée Vic, 13 ans, vient d'emménager à Paris avec ses parents. Elle est inscrite à Henri-IV, un nouveau lycée où elle se fait des copines, tout en découvrant le monde fascinant des garçons. Un soir, lors d'une boum organisée par un copain, elle fait la connaissance de Mathieu, un beau brun aux yeux de velours et c'est le coup de foudre.

Sa mue, Vic la vit douloureusement et passionnément, à côté de parents aimants, mais aveugles. François et Françoise sont bien trop occupés, entre leurs jobs respectifs (dentiste et dessinatrice de bande dessinée), la crise de la quarantaine et quinze ans de mariage à la clé. Heureusement il reste Poupette, la pétulante arrière-grand-mère musicienne qui devine tout et comprend tout.

Amour naissant versus amour qui s'étiole, c'est ce qui fait tout le sel de "La Boum". L'idée du film vient de la scénariste Danièle Thompson, qui, un soir en rentrant chez elle, se retrouve face à une ribambelle d’adolescents dansant dans son salon.

Choc de générations et idées à foison pour la scénariste qui couche sur le papier les premières ébauches de son histoire. Danièle Thompson en parle au réalisateur Claude Pinoteau qui se montre immédiatement enthousiaste.

Le scénario s’écrit à quatre mains. Danièle prend le parti de la mère de Vic, Claude celui du père. S'en suivent des "scènes de ménage" qui serviront aux dialogues des parents.

Chapitre 2
Eloge de la jeunesse

Claude Brasseur et Sophie Marceau dans "La Boum" de Claude Pinoteau, 1980/ DR - GAUMONT

Pour travailler et ciseler les dialogues des plus jeunes, Danièle Thompson et Claude Pinoteau ont une botte secrète. Danièle Thompson profite du retour de ses enfants de 12 et 13 ans de l'école, pour leur lire les dialogues écrits dans la journée avec Claude Pinoteau.

Les deux scénaristes parlent également beaucoup avec les jeunes du lycée Henri-IV, où ils tourneront. Ils font la tournée des conseillers en éducation, des professeurs et des proviseurs. C'est pour toutes ces raisons que le film sonne si juste, comme un écho à la réalité du moment.

L'affiche du film La boum, de Claude Pinoteau, sorti en 1980.Gaumont [Gaumont]
L'affiche du film La boum, de Claude Pinoteau, sorti en 1980. [Gaumont]

Claude Pinoteau et Danièle Thompson arrivent à montrer que rien n’est plus vulnérable que les enfants terribles, sinon les parents qui, eux, ont cessé de terrifier! Les deux auteurs transcendent ce qui peut représenter pour la nouvelle génération la cérémonie d’initiation quasi rituelle de la boum.

Un grand moment pour les adolescentes et adolescents des années 1980, formateur et angoissant. Les meilleurs moments disent en cœur les scénaristes. "Plus je regarde mon enfance, mon adolescence, plus je sens combien les impressions initiales de la vie, de la jeunesse, sont à peu près les seuls qui nous frappent irrévocablement", confie Claude Pinoteau.

Chapitre 3
Un casting de haut vol

Scène tirée du film "La Boum" de Claude Pinoteau, 1980 /DR

Claude Pinoteau naît le 25 mai 1925 à Boulogne-Billancourt. L'homme est passionné par l'image et par les histoires qui se racontent. Il entre au cinéma comme accessoiriste, avant de devenir assistant-réalisateur.

En 1973, il réalise son premier long-métrage "Le Silencieux", un polar avec Lino Ventura. Le succès est au rendez-vous, tout comme pour le second "La Gifle", une comédie réalisée en 1974. Traitant des relations père-fille, le film est récompensé et Claude Pinoteau devient un réalisateur respecté.

Pour "La Boum", il faut trouver un trio grand-mère, parents, enfant. Le casting a lieu entre février et avril 1980. Pour le personnage de Poupette, l’arrière-grand-mère musicienne délurée, on imagine d’abord Madeleine Renaud. Au final, c'est Denise Grey, 84 ans, grande dame du cinéma et de la chanson qui lui est préférée.

>> A écouter: l'émission Travelling sur "La Boum" :

LA BOUM - Film (1980). [AFP - © Gaumont / Collection ChristopheL]AFP - © Gaumont / Collection ChristopheL
Travelling - Publié le 22 octobre 2023

Pour les parents, le réalisateur choisit Brigitte Fossey et Claude Brasseur. La maîtresse est incarnée par Dominique Lavanant, encore auréolée des succès des "Bronzés" et "des Bronzés font du ski".

Le choix du personnage de Victoire Berreton et de ses amis s'avère plus délicat. La sélection se fait grâce à des visites dans des lycées, dans les écoles de l’opéra et du conservatoire. Un casting a également lieu et il faut dire que les candidats et candidates sont nombreux.

Sophie Maupu, future Sophie Marceau, est la quarante-deuxième fille que la directrice de casting voit sur les 1'500 candidates. Malgré le fait qu'elle n'ait jamais fait de théâtre, sa personnalité, son naturel et sa fraîcheur finissent par séduire tout le monde.

Chapitre 4
Une bande originale sur mesure

AFP - Thomas Morel-Fort / Hans Lucas

Le tournage débute le 16 juillet 1980 au lycée Henri-IV dans le Quartier latin, à la brasserie La Coupole et à La Main Jaune, mythique discothèque parisienne où les adolescents venaient danser sur des rollers.

Durant tout l'été, les soixante-cinq jeunes recrutés travaillent dur et rigolent beaucoup. Pendant le tournage Claude Pinoteau et son équipe technique filment les danses enlacées et les premiers baisers. Sophie Maupu prend le pseudonyme de Marceau, sur les conseils de Claude, pour protéger son identité.

Dans toute boum qui se respecte, la musique est essentielle. Au début des années 1980, on écoute Sylvie Vartan, Daniel Balavoine, Renaud, mais aussi ABBA, Bowie, les Cure et Bruce Springsteen. Il faut payer une fortune pour avoir le droit d'utiliser ces chansons.

Dès lors, la solution consiste à confier la bande originale à un homme: Vladimir Cosma, un compositeur joyeux et dynamique, qui a déjà donné ses lettres de noblesse à de nombreux films français.

Venant d'un parcours plus classique, le compositeur invente une musique tout de suite reconnaissable. Reste à trouver le futur interprète du slow "Reality". Vladimir Cosma est convaincu par Richard Sanderson, un chanteur britannique. Mais il faut convaincre Claude Pinoteau qui, lui, veut Gilbert Montagné.

Vladimir Cosma arrive heureusement à le persuader. Le titre chanté par cet inconnu anglais va devenir le tube de l’année. Le disque concocté par Vladimir Cosma et Richard Sanderson se vendra jusqu’à 30'000 exemplaires par jour au plus fort du succès.

Chapitre 5
Rançon de la gloire

Scène tirée du film "La Boum" de Claude Pinoteau, 1980/ DR

En 1980, le monde est séparé en deux grosses puissances. En Amérique du Sud, la guerre civile fait rage au Salvador, il y a un coup d’Etat en Bolivie, un ouragan ravage les Caraïbes, l’Est et le Nord du Mexique, puis le Sud du Texas. C'est également le début de la guerre Iran-Irak, l’URSS envahit l’Afghanistan. La jeunesse découvre le chômage de masse et le cri de ralliement des punks est "No Future".

C'est dans ce contexte de grisaille géopolitique et économique que "La Boum" sort au cinéma. Les premiers chiffres sont catastrophiques. Mais le bouche-à-oreille fonctionne et quelques jours plus tard, le film fait un carton. "Claude Pinoteau fait boum", titre la presse. Durant l'hiver 1980-1981, "La Boum" fait mieux que "L'Empire contre-attaque" en France. Le film reste à l'affiche durant huit mois. Il conquiert l’Europe, puis la Chine et le Japon.

Ce succès s'explique par l'authenticité du film. Les adolescents se reconnaissent dans l'histoire de cette fille de 13 ans qui vit ses premiers émois amoureux. Mais pour les jeunes comédiens et surtout comédiennes, l’atterrissage est douloureux. Après l'été joyeux et familial du tournage, le retour à la réalité est plus problématique, notamment à l'école.

Sheila O’Connor qui interprète Pénélope, la meilleure amie de Vic, vit cette période comme un traumatisme. Sophie Marceau tient bon, continue ses études, oubliant que sa soudaine notoriété lui vaut un coup de téléphone chaque minute, y compris la nuit. Elle efface aussi de sa mémoire les garçons qui font le siège devant l’appartement de ses parents, ce qui les obligera à déménager.

Si "La Boum" signe le début d'une carrière fulgurante pour Sophie Marceau, pour les autres jeunes du plateau ce ne sera pas le cas.

Claude Pinoteau et Danièle Thompson feront "La Boum 2", puis "L'Etudiante". Par la suite, Claude Pinoteau réalisera encore cinq films avant d'arrêter définitivement de tourner en 2005.