Le Franco-Suisse Barbet Schroeder, l'un des plus grands réalisateurs contemporains, revient sur le devant de la scène avec un nouveau film intitulé "Ricardo et la peinture", sorti le 22 novembre sur les écrans romands. Personnage central aux cheveux gris bouclés, regard doux comme son sourire, le peintre Ricardo Cavallo, né en Argentine en 1954, exilé en France en 1976 et qui vit depuis 2003 à Saint-Jean-du-Doigt dans l'ouest de la France, est à la fois le sujet et le co-auteur à son insu de ce long métrage.
Ce film coproduit par la RTS est une invitation à plonger dans l'histoire de la peinture, mais aussi à découvrir la vie de cet artiste qui, avec simplicité et humilité, s’est toujours engagé entièrement, jusqu'à transmettre sa passion aux enfants de son village.
"Des gens comme lui, on n'en rencontre que quatre ou cinq maximum dans une vie", expliquait Barbet Schroeder dans l'émission Vertigo du 7 août lors du Festival de Locarno, où le film était présenté en première mondiale. "J'ai toujours pensé que je voulais faire un film sur lui, car je souhaitais approcher la peinture de la même manière que lui le faisait avec moi, en m'emmenant et en me parlant dans les musées".
Peindre dans une crique
Tourné en 2022, "Ricardo et la peinture" suit le quotidien d'un artiste très discret, qui peint dans une crique des gabbros, rochers de la côte finistérienne de 350 millions d'années. Chevalet et matériel de peinture sur le dos, celui qui, enfant, dessinait "tout le temps", s'y rend presque chaque jour, lorsqu'il n'est pas dans sa cuisine partageant un repas avec des amis, à l'école de peinture associative "Blei Mor" qu'il a fondée ou plongé dans ses livres.
Le spectateur "entre" dans ses tableaux monumentaux composés de petites "plaques" comme un puzzle, qu'il retravaille au long cours en extérieur. On découvre ses tableaux, exposés à ses débuts à Paris et New York, dans le Finistère et dans la chambre de bonne qui lui servait d'atelier à Neuilly-sur-Seine, à son arrivée en France. Un dialogue simple, entrecoupé de silences, guide le spectateur à travers l'histoire de l'art, au fil d'un récit parlant des découvertes du peintre et de ses modèles, Vélasquez, Delacroix ou les "portraits du Fayoum", plus anciens portraits peints sur bois et lin datant de l'Antiquité.
L'art comme un retour aux sources
Plus de quarante ans après "Barfly", consacré à son ami, le romancier américain Charles Bukowski, le cinéaste iconoclaste a choisi de filmer un autre ami, son alter ego Ricardo. Barbet Schroeder l'a rencontré au début des années 1980 à Paris grâce à son "père spirituel", Karl Flinker, prestigieux galeriste. Pour le réalisateur, l’amour de l’art est comme un retour aux origines.
"Quand j'avais onze ans, je passais mes journées au Louvre, explique Barbet Schroeder au 19h30 du 24 novembre. Ma mère cherchait une école et un endroit pour habiter à Paris. Elle me mettait avec ma soeur au Louvre en disant: 'à telle heure, je repasse vous prendre'. Mais j'avais une connaissance enfantine. Et quand j'ai voyagé avec Ricardo, j'ai découvert complètement autre chose. C'était l'une des raisons de mon émerveillement".
Sorti il y a quelques jours, "Ricardo et la peinture" est un film lumineux et fabuleux sur l’art et l’amitié. Il pourrait bien être le dernier de l’immense Barbet Schroeder, aujourd'hui âgé de 82 ans.
Sujet TV: Julie Evard
Adaptation web: Melissa Härtel avec agences
"Ricardo et la peinture" de Barbet Schroeder. A voir dans les salles romandes depuis le 22 novembre 2023.
Une rétrospective Schroeder à la Cinémathèque française de Paris
Du 19 novembre au 13 décembre 2023, la Cinémathèque française consacre une grande rétrospective au réalisateur Barbet Schroeder et à sa filmographie fascinante, faite d’expérimentations esthétiques, de films hollywoodiens, de documentaires, ou encore de séries, dont l'un des épisodes de "Mad Men".
De "More" (1969), son premier film avec son couple d'amants tragique au "Vénérable W." sorti en 2016, l'institution parisienne propose une quinzaine de longs métrages de ce compagnon de route de la Nouvelle Vague, cofondateur avec Eric Rohmer des Films du Losange en 1962. Plusieurs films sont présentés par Barbet Schroeder lui-même.