"Simple comme Sylvain" de Monia Chokri, l'amour au-delà des normes sociales

Sophia (Magalie Lépine-Blondeau) est professeure de philosophie à Montréal, au Canada. Elle baigne dans un milieu très intellectuel et vit en couple avec Xavier depuis dix ans, dans un désert affectif et sexuel. Sylvain (Pierre-Yves Cardinal) est charpentier dans les Laurentides et doit rénover leur maison de campagne. Quand Sophia rencontre Sylvain pour la première fois, c'est le coup de foudre et la découverte de l'univers de l'autre, ce qui n'est pas si simple.

Avec "Simple comme Sylvain", l'actrice et réalisatrice québécoise Monia Chokri signe un excellent film sur le sens de l'amour. "Au Québec, explique-t-elle dans l'émission Vertigo du 4 décembre, nous sommes très forts sur les films de famille, sur ceux qui évoquent le passage à l'âge adulte, mais on ne raconte pas l'amour. (...) Quand j'ai commencé à écrire le film, il y a six ans, j'étais moi-même en couple; l'amour me convenait, mais le système du couple me pesait un peu. C'est comme cela qu'est née cette histoire".

Transfuge amoureux

Plus largement, le film développe une réflexion plus large sur ce que représente la rencontre entre deux personnes et comment l'amour peut survivre au-delà des classes sociales. "On peut tomber amoureux de gens qui ne sont pas de notre milieu, mais pour que le couple survive, il faut qu'il soit adoubé par son environnement, poursuit Monia Chokri (...) C'est très difficile de faire un transfuge de classe dans notre relation amoureuse, car le couple est encore un système inégalitaire".

Le film contient plusieurs scènes de repas, à la fois drôles et dérangeantes, qui montrent que quelle que soit l'origine ou le milieu social, la vie de famille recouvre les mêmes fonctionnements intrinsèques: on fait famille par défaut. "Toute forme de rapport humain est une fiction. On dit d'ailleurs que l'amour est la rencontre entre deux personnes qui construisent une fiction ensemble et que l'amour fonctionne tant que la fiction est la même pour les deux", raconte la réalisatrice.

"Simple comme Sylvain" questionne également les préjugés sur les différents milieux sociaux. C'est drôle et grinçant d'un côté comme de l'autre, sans aucun jugement de valeur. "Même si tout le monde en prend pour son grade, Monia Chokri a de l'amour pour tous ses personnages", relève le journaliste culturel Thomas Lécuyer dans le débat cinéma de Vertigo le 29 novembre 2023, qui a adoré cette comédie "très intelligente".

Des critiques unanimement positives

Du côté du critique cinéma de la RTS Rafael Wolf, même son de cloche. "J'ai été complètement charmé. (...) Le film joue de dichotomies assez binaires, mais qui sont assumées comme telles par la cinéaste. (...) Il y a ce plaisir très intéressant de Monia Chokri de détourner les codes de la comédie romantique pour aller à fond dans un jeu sur les clichés, ce qu'on pense, qu'on attend ou que l'on projette sur les autres".

Le critique relève également la fascinante mise en scène. "On a l'impression que la caméra est sans cesse en train de chercher un cadre, un sens, exactement comme l'héroïne qui se cherche et évolue dans un flottement d'incertitudes (...) C'est rendu de façon extraordinaire à l'écran avec une mise en scène absolument dingue. J'ai trouvé cela très bon."

Pour Thomas Lécuyer, "cette caméra qui cherche est comme une loupe qui va observer cette brochette de quarantenaires en train de se débattre avec ses idéaux, sa culpabilité, ses échecs, ses désirs refoulés, ses actes manqués. C'est un film sur tout cela, d'où la caricature qui est parfois nécessaire pour mieux pointer les travers. On rit beaucoup, on s'attache, on réfléchit aussi et les saillies sont brillantes".

Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert et Julie Evard

Adaptation web: Melissa Härtel

"Simple comme Sylvain" de Monia Chokri, avec Magalie Lépine-Blondeau, Pierre-Yves Cardinal. A voir sur les écrans romands depuis le 29 novembre 2023.