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"Bâtiment 5", film puissant de Ladj Ly sur la gentrification en banlieue française

Une image du film "Bâtiment 5" de Ladj Ly. [DR - Panache Productions]
Ladj Ly, "Bâtiment 5" / Vertigo / 5 min. / le 5 décembre 2023
Quatre ans après "Les misérables", Ladj Ly est de retour avec "Bâtiment 5". Traitant toujours de la vie en banlieue, le réalisateur français met en scène un drame social prenant place dans un quartier farouchement opposé à un projet de rénovation urbaine.

"C'est ce qu'on appelle une arnaque. Et une fois de plus ce sont les habitants qui paient le prix fort", résume Ladj Ly dans l'émission Vertigo du 6 décembre, lorsqu'on lui demande d'évoquer les problèmes du mal-logement, thématique au coeur du son film "Bâtiment 5".

Ce nouveau long métrage qui sort quatre ans après "Les misérables" est présenté comme le deuxième volet d'une trilogie sur la vie en banlieue française. Il prend place dans les années 2000, à un moment où avec la spéculation immobilière, les prix explosent. Les habitants des quartiers périphériques de la capitale française se retrouvent délogés et relogés plus loin.

"Il est là le drame, explique le réalisateur français. Lorsqu'ils sont arrivés en France dans les années 1970-1980, beaucoup ont acheté leur logement et sont devenus propriétaires. Et vingt ans plus tard, alors qu'ils avaient enfin fini de payer leur appartement, on leur a dit que ça ne valait plus rien et qu'on allait racheter leur logement pour une bouchée de pain, pour ensuite reconstruire et vendre dix fois plus cher".

>> A voir: Le sujet du 19h30 sur le film "Bâtiment 5" :

Dans "Bâtiment 5", le réalisateur français Ladj Ly met en scène le drame social d'un quartier farouchement opposé à un projet de rénovation urbaine
Dans "Bâtiment 5", le réalisateur français Ladj Ly met en scène le drame social d'un quartier farouchement opposé à un projet de rénovation urbaine / 12h45 / 2 min. / le 6 décembre 2023

Un film inspiré du vécu de Ladj Ly

Un sujet que le réalisateur connaît bien puisqu'il est originaire et a grandi dans la cité de Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, où il avait tourné "Les misérables". "Les problèmes de logement, d'expropriation et de gentrification sont des sujets qui me tiennent à coeur et qui me touchent personnellement, car ce sont des choses que j'ai vécues", explique le cinéaste dans le 12h45 du 6 décembre. Lui même s'est beaucoup impliqué dans sa commune. "J'ai milité pendant plus de vingt ans dans ces quartiers, j'ai créé un parti politique, je me suis présenté aux élections municipales avec un groupe d'habitants. Pour moi, c'était important de le raconter."

Dans "Bâtiment 5" - qui avait comme titre de travail "Les indésirables" - il met en scène Haby Keita (Anta Diaw), active au Conseil municipal de sa commune. Elle apprend que le réaménagement du quartier où elle a grandi comprend la démolition de la barre d'immeubles où elle habite. Commence alors une bataille pour empêcher Pierre Forges (Alexis Manenti) , jeune pédiatre propulsé maire de sa commune, de réaliser ses ambitions.

Engagement politique

A travers ce film, Ladj Ly traite la question de la colère des habitants et habitantes des banlieues. Comment la gérer? "La colère ne règle pas forcément les choses", estime Ladj Ly, rappelant au passage qu'il a vécu les révoltes violentes qui ont eu lieu dans les cités françaises en 2005.

"D'où l'idée de ce personnage d'Haby qui est une femme militante et engagée qui va se battre pour défendre ses droits, poursuit-il. Elle va finir par prendre le pouvoir pour faire changer les choses et je pense que c'est une des solutions. Aujourd'hui, si on veut faire bouger les lignes, il faut que les habitants s'engagent en politique pour défendre leurs idées".

Un deuxième long métrage attendu

Il y a quatre ans, Ladj Ly avait fait sensation avec "Les misérables", son premier long métrage qui racontait une bavure policière dans la cité sensible de Montfermeil. Le film avait secoué le Festival de Cannes d'où le réalisateur était reparti avec un Prix du Jury. D'autres récompenses ont suivi dont un César du meilleur film et une nomination aux Oscars. C'est dire si son deuxième long métrage était attendu.

Cette fois-ci, Ladj Ly propose un film plus politique et avec une mise en scène plus conventionnelle que celle des "Misérables" qui avait tellement marqué les esprits. Un cran en dessous de son premier film coup de poing, "Bâtiment 5" pose un discours et un regard incisifs sur la gestion par les politiques des banlieues françaises. Et surtout, il confirme le talent du réalisateur de 45 ans.

Propos recueillis par Philippe Congiusti et Julie Evard

Adaptation web: Andréanne Quartier-la-Tente

Ladj Ly, "Bâtiment 5", à voir depuis le 6 décembre 2023 dans les salles de Suisse romande

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