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Le monde du cinéma dénonce une "responsabilité collective" dans l'affaire Gérard Depardieu

L'acteur Gérard Depardieu. [Keystone - AP Photo/Thibault Camus, File]
L’affaire Gérard Depardieu résonne dans le cinéma suisse / La Matinale / 5 min. / le 19 décembre 2023
Un documentaire de l'émission "Complément d'enquête" de France 2 sur Gérard Depardieu a suscité l'indignation. Sur ces images, l'acteur français, mis en examen pour viol depuis 2020, multiplie les propos misogynes et insultants en s'adressant à des femmes. Mais pour une partie du monde du cinéma, il existe aussi une responsabilité collective.

La diffusion du documentaire a provoqué une onde de choc, avec des répercussions internationales. En fin de semaine dernière, Gérard Depardieu a été radié de l'Ordre national du Québec et de son titre de citoyen d'honneur de la commune belge d'Estaimpuis.

En France, la ministre de la Culture Rima Abdul Malak a annoncé une procédure disciplinaire de l'ordre de la Légion d'honneur pouvant aboutir à son retrait. Lundi, sa statue a été retirée du parcours de visite du musée Grévin à Paris.

>> Relire : Un reportage mettant en lumière les remarques sexistes et racistes de Gérard Depardieu suscite l'indignation

Un personnage complexe

Cette affaire résonne aussi dans le monde du cinéma suisse. Gérard Depardieu a en effet tourné dans des long-métrages produits ou coproduits par la Suisse et a joué pour les réalisateurs Claude Goretta, Jean-Luc Godard ou Jacob Berger pour le film "Aime ton père", sorti en 2002.

"Il y a eu des moments qui étaient vraiment difficiles et douloureux", se souvient Jacob Berger mardi dans La Matinale de la RTS. "J'étais un jeune réalisateur et lui était une grande star. Par moments, il se moquait de moi", poursuit-il. "En attendant, quand il faisait la prise en question, il faisait tout ce que je lui demandais."

Le réalisateur souligne que Gérard Depardieu est un personnage complexe. "C'est un homme multifacettes, d'une intelligence folle et en même temps qui joue souvent au débile, au satyre, avec les femmes en particulier", explique Jacob Berger. "C'est quelqu'un qui peut par moments être d'une grande cruauté, mais c'est aussi quelqu'un qui a une immense générosité."

La directrice de la photographie française Caroline Champetier partage cette analyse. Ayant travaillé deux fois avec Gérard Depardieu, elle décrit deux expériences bien distinctes. Elle garde un assez bon souvenir de leur première collaboration pour "La Femme d'à côté" de François Truffaut, en 1981. "J'étais enceinte. Je me souviens qu'il posait sa main sur mon ventre avant les prises et il y avait quelque chose d'assez gentil. Ça ne me gênait pas", raconte-t-elle.

Pour le tournage au bord du lac Léman du film "Hélas pour moi" de Jean-Luc Godard, en 1993, Caroline Champetier décrit en revanche un homme "pas très agréable", avec qui ses rapports ont été "distants". "Il ne s'est pas vraiment entendu avec Jean-Luc Godard. Je pense qu'il s'est un peu ennuyé au bord du lac", précise-t-elle.

Produit de son temps

Selon Jacob Berger, l'acteur est un produit de son temps, qui s'est construit dans les années 1960 et 1970, "à une époque où parler de sexe, montrer son désir, parler de ses organes ou des organes sexuels des autres faisaient partie aussi d'une espèce de rébellion contre une société extrêmement cuirassée, fermée".

"Il a vraiment trouvé une manière de se sentir libre lui-même en étant complètement transgressif sur ces questions sexuelles", estime le cinéaste. Mais Gérard Depardieu ne s'est pas adapté aux changements de la société et cette transgression s'est peu à peu transformée en "du harcèlement, de l'abus et par moments de l'humiliation", affirme Jacob Berger.

Responsabilité collective

Une partie du monde du cinéma pointe aussi une responsabilité collective dans les comportements déplacés de Gérard Depardieu, son statut et sa célébrité lui ayant conféré une certaine impunité. "Peu de gens ont eu le courage de lui dire quand il dépassait les bornes. Quelqu'un qui n'a plus de limites devient ce qu'il est devenu, c’est-à-dire quelqu'un d'un peu monstrueux", estime Caroline Champetier. "Il faudrait arriver à pouvoir analyser les choses un petit peu collectivement", poursuit-elle. "Je pense que nous sommes tous beaucoup responsables des choses qui se passent dans notre communauté du cinéma qui est parfois très déviante".

Caroline Champetier, directrice de la photographie et réalisatrice française. [AFP - Stefanie Loos]
Caroline Champetier, directrice de la photographie et réalisatrice française. [AFP - Stefanie Loos]

Ce constat est partagé par Jacob Berger, qui décrit Gérard Depardieu comme "un amuseur qui est devenu trop puissant et qui avait un petit côté par moments un peu monstrueux". Le réalisateur explique avoir été frappé à l'époque par la tolérance du monde du cinéma pour les comportements déplacés de l'acteur. "Je pense qu'on est tous un peu collectivement coupables parce qu'il aurait fallu collectivement que nous lui disions tous 'non' et on ne l'a pas fait", dit-il.

En avril dernier, un article du site d'investigation Mediapart rapportait le témoignage de treize femmes affirmant avoir subi des violences sexuelles de la part de Gérard Depardieu. Elles déploraient également l'inaction des personnes présentes sur le tournage, confirmant que les agissements de l'acteur étaient connus dans le milieu.

>> Relire : Treize femmes accusent Gérard Depardieu de violences sexuelles ou sexistes

Aujourd'hui, Gérard Depardieu est de plus en plus isolé et se retrouve écarté des plateaux de tournage. Il est inculpé depuis 2020 pour viols, après une plainte d'une comédienne française, Charlotte Arnould. Une deuxième plainte pour agression sexuelle a été déposée peu avant le documentaire de France 2 par la comédienne Hélène Darras, pour des faits a priori prescrits, remontant à 2007 sur un tournage.

Sujet radio: Pauline Rappaz

Adaptation web: Emilie Délétroz avec afp

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Gérard Depardieu accusé de viol par une journaliste espagnole

La journaliste et écrivaine espagnole Ruth Baza a annoncé mardi avoir déposé plainte en Espagne contre l'acteur français Gérard Depardieu pour viol pour des faits remontant à 1995 à Paris.

Ruth Baza, qui avait 23 ans à l'époque et l'acteur 46 ans, a évoqué "une intrusion sans aucun consentement, à aucun moment" et dit s'être sentie "paralysée" durant les faits, qui auraient eu lieu dans les locaux de l'ancienne société de production Roissy Films.

Le président Macron défend Gérard Depardieu

Le président français Emmanuel Macron a défendu mercredi Gérard Depardieu, en dénonçant une "chasse à l'homme", à la suite de la diffusion d'un documentaire télé choc sur l'acteur dont il s'est dit "un grand admirateur".

Emmanuel Macron a contredit la ministre de la Culture Rima Abdul Malak qui avait annoncé sur la même chaîne vendredi qu'une "procédure disciplinaire" serait engagée par la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur à l'encontre de l'acteur, visé par deux plaintes en France pour viol et agression sexuelle, et mis en examen (inculpé) dans l'un des deux cas. L'acteur réfute ces accusations.

"Il y a une chose dans laquelle vous ne me verrez jamais, ce sont les chasses à l'homme. Je déteste ça", a répondu le chef de l'État sur la chaîne de télévision France5. Le président de la République s'est dit "grand admirateur de Gérard Depardieu (...) un immense acteur".