LES CHOIX DE RAFAEL WOLF
"The Fabelmans" de Steven Spielberg
En revenant sur les origines de sa vocation de cinéaste, Spielberg signe une double déclaration d'amour: au septième art et à sa mère (immense Michelle Williams). Un portrait magnifique d'une mère complexe et d'un fils qui découvre le pouvoir à la fois dévastateur, cathartique et libérateur des images. Le film le plus bouleversant de l'année.
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"L'enlèvement" de Marco Bellocchio
Une autre histoire, déchirante celle-ci, entre une mère juive et son fils, enlevé par l'église catholique qui le convertit de force, au Vatican. L'ampleur baroque côtoie l'intimisme le plus poignant, la grande histoire se confond avec la petite, et Bellocchio met en scène un très grand film faussement classique.
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Cette année, Marco Bellocchio a aussi sorti "Esterno notte", une mini-série remarquable sur l'enlèvement et l’assassinat d’Aldo Moro, président de la Démocratie chrétienne, par les Brigades rouges. Un évènement traumatisant de l’histoire italienne des années 1970 qui est visité en six épisodes traités comme six points de vue différents. Bellocchio fouille encore une fois les zones sombres du passé de son pays pour cette mini-série qui transpire le cinéma.
"Tár" de Todd Field
Le portrait d'une cheffe d'orchestre renommée, rattrapée par une sombre affaire d'abus de pouvoir et de harcèlement moral. Au-delà de tous les superlatifs, Cate Blanchett interprète cette femme impénétrable dans un film troublant et dérangeant qui s'empare de questions sociétales d'une actualité brûlante.
>> A lire : Cate Blanchett sidère dans "Tár", chef-d’œuvre glacé de Todd Field
"Le procès Goldman" de Cédric Kahn
L'acteur Arieh Worthalter n'est pas pour rien dans la réussite immense de ce film de procès radical et suffocant. Toute l'hypocrisie de la France des années 1970 est passée ici au crible dans un récit qui interroge avec une puissance rare le gouffre entre l'objectivité et la subjectivité, les faits et les croyances, le procès d'un homme ou le procès d'un crime.
>> A lire : "Le procès Goldman", une histoire vraie pour un film de procès intense
"Retour à Séoul" de Davy Chou
La singularité de ce film qui suit au plus près une jeune Française adoptée retournant en Corée du Sud subjugue. Une héroïne qui ne cesse de muer au cours du récit, d’échapper aux injonctions des autres, à se dérober à notre regard de spectateur comme à la caméra de Davy Chou. Une balade introspective portée par l’énergie folle de sa comédienne, Park Ji-min.
>> A lire : "Retour à Séoul", la naissance d’une femme
En bonus: "Désordres" ("Unrueh)" de Cyril Schäublin (sorti en 2022)
Rattrapage tardif - le film est sorti fin 2022 en Suisse romande - de cette immersion d'une beauté sidérante dans une horlogerie suisse à la fin du XIXe siècle, au moment où les ouvriers se regroupent autour de la fédération anarchiste. La mise en scène prodigieuse véhicule le politique et décentralise visuellement les humains dans le cadre, comme l'anarchie cherche à décentraliser le pouvoir. Une oeuvre majeure.
>> A lire : "Unrueh" explore la question du temps et la naissance de l'anarchisme
LES CHOIX DE PHILIPPE CONGIUSTI
"Conann" de Bertrand Mandico
Bertrand Mandico réalise le film le plus "taré" de l'année. Il nous précipite en enfer et, avec Rainer son garde-chiourme à tête de chien, nous offre une jubilatoire exploration de la cruauté. Au prix d'une fascinante licence poético-théâtro-filmique, il signe un film politique où la femme égale de l'homme incarne le rôle d'une des mâles les plus destructeurs de l'héroïc fantaisy. Jouissif à mort!
"Killers of the Flower Moon" de Martin Scorsese
L'appât du gain autorise les pires manipulations. Par avidité et désir d'accaparer une richesse qui n'est pas la leur, quelques gangsters a priori propres sur eux spolient de leurs richesses et tuent à petit feu des femmes amérindiennes qui ont fait leur fortune grâce au pétrole. Scénario implacable, jeux d'acteur dément et mise en scène fabuleuse font de ce Martin Scorsese un très grand film.
>> A lire : "Killers of the Flower Moon" de Martin Scorsese, fresque amérindienne passionnante
"Vincent doit mourir" de Stephan Castang
Tout à tour drame social et romance, ce premier long métrage déjanté dopé au burlesque ressemble surtout à un film de zombies qui ne dit pas son nom. Stephan Castang pose un regard affûté sur la violence qui gangrène notre société à tous les niveaux. Les bagarres maladroites, notamment celle dans une fosse à purin, ou les scènes d’amour hésitantes entre Karim Leklou et Vimala Pons, tous deux formidables, resteront dans les mémoires.
>> A lire : "Vincent doit mourir", film déjanté et déroutant sur la violence de la société
"Le règne animal" de Thomas Cailley
Thomas Cailley transforme son deuxième essai après "Les combattants". Il signe une épopée fantastique où un père veut retrouver sa femme disparue, tout en protégeant son fils, dans une France contemporaine peuplée de créatures mi-humaines mi-animales. Effets spéciaux magistraux et beaucoup de sensibilité dans cette quête désespérée.
>> A lire : Avec "Le règne animal", Thomas Cailley mute vers le cinéma fantastique
"Knit's Island" de Ekiem Barbier, Guilhem Causse et Quentin L'helgoualc'h
Réalisé uniquement avec des images générées par le jeu de survie "Day Z", Ekiem Barbier, Guilhem Causse et Quentin L'helgoualc'h, se sont métamorphosés en gamers. Fleur au fusil, ils mènent un travail d'enquêteur directement dans le jeu pour rencontrer les différentes communautés, questionner et comprendre l'impact de la virtualité sur la réalité des joueurs cachés derrière leur avatar. Aussi unique que ludique!
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