"Bonnard, Pierre et Marthe", biopic du peintre français à travers le regard de sa muse
Pierre Bonnard serait-il aussi connu s'il n'avait pas rencontré Marthe? La question est légitime quand on sait que la compagne et modèle du peintre français figure dans plus d'un tiers de ses tableaux.
Pendant cinquante ans, Pierre Bonnard (1867-1947) peint son épouse, une femme issue d'un milieu très modeste, qui va se proclamer aristocrate, avant de basculer peu à peu dans la folie.
Le mystère comme moteur
Après "Séraphine" (2008) consacré à la peintre autodidacte Séraphine de Senlis, Martin Provost n'avait pas forcément envie de refaire un film dans le monde de la peinture. Mais plusieurs éléments l'ont fait changer d'avis.
"J'ai été approché par Pierrette Vernon, la petite-nièce de Marthe Bonnard qui m'a dit que sa grand-tante n'avait pas la place qu'elle méritait dans l'histoire de l'art et qu'il fallait en faire un film. A l'époque, j'ai décliné", avoue le réalisateur dans l'émission Vertigo du 16 janvier.
Arrive alors le confinement. Enfermé chez lui, Martin Provost tombe un beau jour sur un livre d'art consacré à Pierre Bonnard. Il l'ouvre et observe le tableau du "Déjeuner", où l'on voit Marthe assise à une table, le regard flou. "J'ai tourné les pages et à chaque fois c'était pareil, on ne reconnaissait jamais Marthe sur les tableaux", poursuit-il. Le mystère autour de cette femme pousse le réalisateur à dédier un film à ce couple mythique.
Une femme complexe aux multiples facettes
Pierre Bonnard rencontre Marthe dans la rue. Fasciné, il lui demande de poser pour lui. Le peintre est issu d'un milieu bourgeois, il connaît le beau monde, elle est de condition très modeste, mais fait croire qu'elle ne l'est pas et s'enferme dans le mensonge.
La peur d'être démasquée la transforme en phobique sociale. Marthe va donc pousser Pierre à s'affranchir de son milieu et à s'exiler à la campagne, pour vivre simplement dans la nature. Elle initiera Pierre à l'amour physique. Les années passent, la passion s'étiole et fait place à l'ennui. Pierre fréquente d'autres femmes, mais revient toujours vers sa muse.
Pour jouer Marthe à l'écran, Martin Provost a choisi Cécile de France. Un joli défi pour la comédienne belge, car elle incarne Marthe sur plusieurs décennies, ce qui a nécessité tout un travail de maquillage et d'habillage. Sans oublier une manière différente de se mouvoir selon les périodes de sa vie.
Rapport à la peinture
Pour imiter les gestes du peintre Pierre Bonnard, le comédien Vincent Macaigne a dû prendre des cours intensifs de peinture. Quant aux tableaux finaux, comme pour le film "Séraphine", ils sont l'oeuvre d'une artiste "faussaire", Édith Baudrand, qui les reproduit pour le cinéma en les réinventant à sa manière.
Interrogé sur son rapport à la peinture, Martin Provost rétorque en souriant: "Je dessinais tout le temps quand j'étais petit et ma mère est une peintre non accomplie. J'ai hérité de ses frustrations qui ont été un moteur formidable."
Et le cinéaste de préciser: "Après, j'ai réalisé que c'était beaucoup de solitude et d'incertitudes, et que ce n'était pas fait pour moi". Martin Provost se lance dans le théâtre avant de se consacrer à l’écriture et au cinéma. Mais la peinture garde une place importante dans sa vie: "La peinture et la musique sont des arts au-dessus des autres, car ils sont porteurs d'invisible", conclut le réalisateur.
Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert
Adaptation web: Sarah Clément
"Bonnard, Pierre et Marthe" de Martin Provost, avec Cécile de France, Vincent Macaigne, Stacy Martin, Anouk Grinberg, André Marcon. A voir dans les salles romandes depuis le 17 janvier 2024.