Pour une fois, l'essentiel de la cérémonie n'était pas le palmarès ou les hommages, éclipsés par le discours de Judith Godrèche, devenue figure de proue du #MeToo français. C'est ovationnée par les représentants d'un 7e art accusé d'avoir couvert pendant des années les violences que l'actrice a fait son entrée sur la scène de l'Olympia, à Paris, pour dénoncer le "niveau d'impunité, de déni et de privilège" du milieu.
"Pourquoi accepter que cet art que nous aimons tant, cet art qui nous lie, soit utilisé comme une couverture pour un trafic illicite de jeunes filles?", a-t-elle lancé. "Il faut se méfier des petites filles. Elles touchent le fond de la piscine, elles se cognent, elles se blessent, mais elles rebondissent", a poursuivi l'actrice, qui a porté plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour des violences sexuelles et physiques pendant son adolescence, que ces derniers nient.
Meilleure réalisation à une femme
Le contraste était saisissant avec l'édition 2020 des César, quand Roman Polanski, accusé de viol, y recevait le prix du meilleur réalisateur pour "J'accuse", provoquant le départ de l'actrice Adèle Haenel.
La question des violences sexuelles a surgi dès les propos liminaires de la présidente de la cérémonie, Valérie Lemercier: "Je ne quitterai pas ce plateau sans louer celles et ceux qui font bouger les us et coutumes d'un très vieux monde où les corps des uns étaient implicitement à la disposition des corps des autres".
Autre symbole, les César ont décerné pour la deuxième fois de leur histoire le trophée de la meilleure réalisation à une cinéaste, Justine Triet, pour "Anatomie d'une chute". Le long-métrage domine la soirée avec six trophées, dont le meilleur film, et prend un nouvel élan avant les Oscars (le 10 mars à Los Angeles), pour lesquels il a cinq nominations.
"Je voudrais dédier ce César à toutes les femmes [...] à celles qui réussissent et celles qui ratent, celles que l'on a blessées et qui se libèrent en parlant et celles qui n'y arrivent pas", a déclaré la réalisatrice de 45 ans, devenue également en mai la troisième cinéaste de l'histoire à remporter la palme d'or du festival de Cannes.
"Aveuglement collectif"
Tout aussi symbolique, l'académie a remis son tout premier prix, le César de la meilleure actrice dans un second rôle, à Adèle Exarchopoulos, pour "Je verrai toujours vos visages", où elle interprète une victime d'inceste. Egalement avant l'ouverture des festivités, la ministre française de la culture Rachida Dati a, elle aussi, déploré un "aveuglement collectif" qui "a duré des années" dans le milieu, dans un entretien à la revue Le Film français.
ats/ther
César de la révélation féminine pour Ella Rumpf
L'actrice franco-suisse Ella Rumpf a été récompensée vendredi soir lors de la cérémonie des César. Elle a reçu le César de la "révélation féminine" de l'année pour son rôle dans le "Théorème de Marguerite", une coproduction de la RTS réalisée par Anna Novion.
C'était la deuxième fois qu'Ella Rumpf était sélectionnée comme révélation féminine. En recevant son prix, elle a remercié Anna Novion, qui lui a "fait confiance" et "donné confiance" pour ce rôle qu'elle "n'aurait jamais pensé jouer".