François Ruffin, député français, ex-LFI, signe avec "Au boulot!" son quatrième documentaire depuis 2016 et le retentissant "Merci patron" (César du meilleur documentaire). Il y traquait tel un Robin des bois Robert Arnault, patron de LVMH qui avait alors licencié plusieurs ouvriers.
Pour "Au boulot!", l'homme politique s'associe à nouveau à Gilles Perret, réalisateur savoyard tout aussi engagé politiquement ("J'veux du soleil" ou "Debout les femmes!"). Le duo s'interroge cette fois dans ce nouveau long métrage documentaire satirique sur la possibilité de réinsérer les riches.
A cette fin, le tandem embarque l'avocate et chroniqueuse aussi médiatique que réactionnaire Sarah Saldmann dans une virée loin de la bourgeoise avenue Montaigne à Paris pour la propulser dans la "vraie vie" des classes populaires et se frotter à la réalité du travail et de la précarité. Sarah Saldmann, qui s’est créée sur les plateaux d'audiovisuel français les plus conservateurs une aura de Cruella BCBG et méprisante de la lutte des classes ("C’est quoi ce pays d’assistés? De feignasses?"), va contre toute attente accepter le défi de vivre vingt-quatre heures de la vie des smicards qu’elle brocarde à longueur de temps.
Redonner de la dignité aux invisibilisés
La confrontation de ces univers diamétralement antagoniques s'avère détonante, à la fois drôle et gênante. "Ce qu'on attendait évidemment lorsqu'on confronte de tels opposés, soit une grande bourgeoise au regard dominant sur la société et la réalité du terrain et de métiers très populaires, c'est que ça crée du rire. (...) Même si Sarah Saldmann est le fil conducteur du film, le fond de 'Au boulot' est quand même d'aller à la découverte de ces femmes et des ces hommes qui essayent de vivre ou de survivre en exerçant des métiers pénibles et difficiles", explique le coréalisateur Gilles Perret dans l'émission Vertigo du 2 décembre.
Si Gilles Perret accorde le mérite à Sarah Saldmann d'avoir accepté et osé jouer le jeu dans le film, il reconnaît toutefois avoir échoué à "lui faire changer de regard sur la société, à la faire évoluer". Même s'il indique y avoir "cru un moment, sincèrement, parce qu'elle avait finalement quand même une approche assez humaine et s'est montrée assez agréable avec les gens qui auraient pu être plus agressifs avec elle". Malgré des situations qui ont touché Sarah Saldmann, "elle a été au final contente de retourner dans le confort de son milieu bourgeois", déplore Gilles Perret.
Reste que l'objectif du film de donner la parole à des travailleurs invisibilisés, en redonnant dignité et visibilité à 55% de la population peu représentée médiatiquement, est atteint. Avec plus de 150'000 entrées depuis sa sortie le 27 novembre au cinéma en France, "'Au boulot' montre le besoin du public de voir une réalité sociale occultée par les médias, estime Gilles Perret, qui "espère que ce type de documentaire contribue au débat et redonne de la force aux gens qu'on ne voit plus, mais qui tiennent la France debout".
Propos recueillis Pierre Philippe Cadert
Adaptation web: Olivier Horner
"Au boulot!" de Gilles Perret et François Ruffin. A voir dans les salles romandes depuis le 4 décembre 2024.