Autrefois synonyme d'un cinéma d'animation à la fois populaire et exigeant, les studios Pixar semblaient n'être plus que l'ombre d'eux-mêmes depuis plusieurs années. Avec trois productions directement proposées sur la plateforme de streaming Disney+ ("Soul", "Luca", "Alerte rouge"), un bide commercial ("Buzz l'éclair") et un succès correct ("Elementaire"), le pedigree de la firme paraissait moins prestigieux qu'à son apogée, au moment des "Toy Story", "Wall-E", "Ratatouille" et autres "Le monde de Nemo". Avec "Vice-versa 2", neuf ans après le volet originel, Pixar retrouve un peu de sa splendeur d'antan en même temps que les sommets du box-office.
Anxiété, Embarras, Envie et Ennui
On avait quitté la jeune Riley, alors âgée de onze ans, dans le premier "Vice-versa", au moment où les cinq émotions principales qui se battaient pour prendre le contrôle de son cerveau étaient parvenues à un équilibre relatif.
Maintenant âgée de treize ans, l'adolescente ressent les premiers effets de la puberté. Sur le point d'entrer au lycée, elle participe à un camp de hockey dans le but d'être acceptée dans la meilleure équipe de sa future école. Les émotions qui géraient jusqu’alors son cerveau, Joie, Tristesse, Colère, Peur et Dégoût, se retrouvent soudain prises de cours par l'arrivée d'Anxiété, Embarras, Envie et Ennui qui chamboulent le caractère de Riley.
Une personnalité en mutation
Si cette suite souffre sans aucun doute d'une absence d'originalité - on reste tout de même sur les rails balisés du volet précédent - autant esthétiquement que thématiquement, "Vice-versa 2" palie cette impression de déjà-vu en déployant toute la complexité de son héroïne.
Explorant les trahisons amicales, l'ambition, le sarcasme, l'égoïsme et la perception de soi, le film oppose l'ancienne et la nouvelle Riley comme si l'adolescente cherchait à effacer les traces de l'enfant qu'elle était, au risque de faire ressurgir des souvenirs refoulés dans les recoins les plus cachés de son inconscient.
D'où une crise existentielle passionnante qui amène de la profondeur à un récit évitant tout manichéisme. Car si l'on perçoit d'emblée une distinction de surface entre émotions positives et émotions négatives, "Vice-versa 2" finit par les brasser à tel point que le film révèle in fine qu'une personnalité ne se construit ni sur de l'oubli ni sur de la nostalgie.
En résulte un film d'animation très réussi à défaut d'être novateur, drôle et pertinent sans toucher aux sommets d'émotion du premier volet, auquel on pourra toujours reprocher d'avoir éludé toute libido chez l'adolescente de treize ans. On se doute que les studios Pixar gardent sous le coude quelques nouvelles émotions pour un troisième volet qui, vu le succès de cette suite, devrait voir le jour assez rapidement.
Rafael Wolf/ld
"Vice-versa 2", film d'animation de Kelsey Mann. A voir dans les salles romandes depuis le 14 juin 2024.