En 2008, l’avocat lillois Jean-Yves Moyart commence à relater sur son blog des affaires judiciaires réelles. Blog que la fille de Daniel Auteuil, Nelly, également productrice du "Fil", fait découvrir à son père, happé par ces récits gravitant autour de la question de la vérité.
Après des pagnolades inconséquentes ("La fille du puisatier", "Fanny", "Marius") et un marivaudage misogyne d’un autre âge ("Amoureux de ma femme"), l’acteur trouve enfin matière à un film plus conséquent, d’une noirceur imprévue.
Le récit débute avec l’arrestation de Nicolas Milik (Grégory Gadebois), père de famille dévoué, accusé de l’assassinat de son épouse, alcoolique notoire retrouvée égorgée dans un bosquet. Alors qu’il refuse toute affaire criminelle depuis qu’il a innocenté un meurtrier, Maître Jean Monier (Daniel Auteuil) accepte de s’occuper de la défense de cet homme brisé, dont la bonhomie et la sincérité le touchent intimement.
Le procès débute. Face à Monier, l’avocate générale Adèle Houri (Alice Belaïdi) s’évertue à prouver que Milik a bien tué sa femme.
Une vérité toute relative
Film de procès interrogeant constamment la culpabilité ou l’innocence de l’accusé, "Le fil" impose une mise en scène sobre - certains lui reprocheront d’être trop classique -, qui a l’avantage de se concentrer sur son duo central, formé par Gadebois et Auteuil.
Formidable, le premier parvient d’emblée à rendre son personnage sympathique et à permettre de comprendre les raisons de l’acharnement d’Auteuil à vouloir l’innocenter. La sobriété de la mise en scène, en écran large, s’attache à guetter les moindres détails sur les visages de ses protagonistes et relève d’autant plus l’essentiel: l’absolue relativité d’une vérité qui ne tient littéralement qu’à un fil.
Creusant les failles du système judiciaire, "Le fil" pousse par ailleurs son héros avocat dans les cordes et révèle l’obsession de Monier, qui cherche sans doute davantage à retrouver la foi en son métier, à croire encore un peu au système qu’il défend comme sa raison d’être, plutôt qu’à sauver son client. Une ambiguïté qui n’est pas pour rien dans le trouble que l’on ressent à la vision du film, dont l’issue ne cesse de se dérober au fur et à mesure que l’on croit la deviner.
Un coup de théâtre glaçant
Si l’on peut regretter des faiblesses criantes, comme ces images récurrentes de corrida, métaphore un peu pataude du récit, ou le fait que le couple Gadebois-Auteuil, cœur absolu du film, empêche les autres personnages d’exister, en particulier les femmes - que ce soit Alice Belaïdi en avocate générale un rien monolithique ou Sidse Babett Knudsen dans le rôle de la compagne de Monier dont la fonction se limite à une sorte de gardienne de la raison-, on ne peut que rester sidéré par le coup de massue dévastateur que "Le fil" nous assène en toute fin de métrage.
Un coup de théâtre glaçant, perturbant et surprenant, point d’orgue d’un long métrage dont on n’attendait pas de nous secouer aussi profondément.
Rafael Wolf/olhor
"Le fil" de Daniel Auteuil. Avec Daniel Auteuil, Grégory Gadebois, Alice Belaïdi, Sidse Babett Knudsen. A voir dans les salles romandes depuis le 11 septembre 2024.