"Le royaume", premier long métrage de Julien Colonna, nous transporte dans l'été 1995 en Corse, dans la région d'Ajaccio. Il dépeint un quotidien marqué par la violence des guerres claniques, à travers les yeux de Lesia, une adolescente de quinze ans.
Fille du chef de clan Pierre-Paul, Lesia rejoint son père pour quelques jours dans une villa isolée. Bien que du même sang, ils ne se connaissent pas vraiment. Sur fond de vendetta, Pierre-Paul comprend qu'il est la cible d'un clan rival.
Lesia doit le suivre dans une cavale haletante. Elle découvre alors un monde de peur, de fuite et de mort. Elle sait que ces moments partagés avec son père sont précieux et que son "royaume" peut disparaître en un instant.
Des personnages authentiques et complexes
Julien Colonna, originaire de Corse, puise dans la véracité d'un contexte qu'il connaît bien. Il est le fils du défunt Jean-Jé Colonna, surnommé "le dernier parrain corse". Cependant, le réalisateur insiste dans l'émission Vertigo du 11 novembre, sur le fait que "Le royaume" n'est pas un film autobiographique: "'Le royaume' reste une pure fiction de cinéma. Ni moi ni personne ne peut prétendre avoir vécu l'histoire que l'on voit dans ce film".
La volonté de réaliser ce long métrage et d'explorer le sens de la filiation lui est venue il y a six ans, lorsqu'il apprend qu'il va devenir père. Il s'interroge: quel père sera-t-il pour cet enfant? Comment cet enfant le percevra-t-il en tant que père? Et il repense à son enfance avec une figure paternelle appartenant à ce monde obscur et secret de voyous: "J'ai pensé à écrire cette histoire sur un père et son enfant qui, le temps d'une cavale qui tourne mal, apprendraient à se connaître, à se comprendre et à s'aimer".
Les victimes collatérales des vendettas
Dans "Le royaume", le réalisateur garde ses distances aussi bien avec le moralisme qu'avec l'apologie d'une certaine criminalité. Les voyous de Julien Colonna ne sont ni sacralisés ni fantasmés. Ce sont avant tout des hommes qui vivent dans la peur et l'isolement. Une réalité dure et froide que le réalisateur a voulu transmettre: "Les montrer dans l'emprise de cette peur qui ne les quitte jamais. La peur de perdre un ami chaque jour. La peur de laisser derrière eux une veuve ou un orphelin. Et la peur, bien sûr, d'accepter l'issue de ce que les Italiens appellent la 'malavita'".
Le film ne se contente pas de raconter une histoire de guerre de clans. Il s'intéresse aussi aux victimes collatérales, notamment les femmes, qui subissent en silence les conséquences des actions de leurs proches. "Le royaume" se distingue ainsi par sa capacité à mêler une intrigue captivante, à une exploration sensible des relations familiales et humaines.
Propos recueillis par Anne Laure Gannac
Adaptation web: Sébastien Foggiato
"Le royaume" de Julien Colonna, avec Ghjuvanna Benedetti et Saveriu Santucci. A voir dans les salles romandes depuis 13 novembre 2024.