Il y a des suites que personne ne demandait. Et s’il faut bien donner au peuple du pain et des jeux, était-on vraiment obligé de lui infliger ce "Gladiator 2"? D’autant plus que le péplum, ressuscité de manière spectaculaire en 2000 par Ridley Scott, est retombé depuis dans les oubliettes du cinéma. Mais l’époque étant au recyclage nostalgique, voici donc ce second volet, balancé en salles près d’un quart de siècle après son modèle, et qui, après "Le fils de Kong", "Le fils de Godzilla" et autres "Fils de Dracula", aurait tout aussi bien pu s’appeler "Le fils de Gladiator".
Quand bien même le récit ménage pendant plus d’une heure un suspense éventé concernant l’identité de son héros, baptisé Hanno, il s’agit bel et bien du rejeton de Maximus et de Lucilla (Connie Nielsen) qui reprend ici le flambeau.
Exilé en Numidie, Lucius (Paul Mescal) mène une vie paisible avec sa femme. Mais lorsque les armées romaines, dirigées par le général Marcus Acacius (Pedro Pascal), attaquent son pays, le malheureux est réduit en esclavage après avoir assisté à la mort de son épouse. Résolu à se venger, Lucius accepte de se battre comme gladiateur et ne tarde pas à être acheté par Macrinus (Denzel Washington), fourbe marchand qui l’instrumentalise pour accéder au pouvoir en renversant les empereurs Caracalla et Geta, jeunes frères tyranniques.
Un film réchauffé
On n’attendait rien de cette suite à l’affiche digne d’un direct-to-dvd. On a vu et on n’a pas été déçu. Effectivement, il n’y a pour ainsi dire rien dans ce "Gladiator 2" dont le budget pharaonique assure au moins le minimum syndical d’un blockbuster spectaculaire. Pour le reste, on assiste avec un mélange de gêne et d’ennui à un film aux allures de pâle ersatz reprenant à peu près tous les motifs et les enjeux dramatiques de son modèle.
Mort de l’épouse du héros, désir de vengeance de ce dernier qui le pousse vers le Colisée, complot ourdi en coulisse pour renverser les empereurs despotiques et restaurer une Rome démocratique, main caressant les blés, reprise de la musique originale chantée par Lisa Gerrard. On a beau chercher, aucune once d’originalité, aucun soupçon de nouveauté ne traverse ce film réchauffé que Ridley Scott trousse comme son récent "Napoléon", avec un professionnalisme dénué de toute implication.
Du cinéma autonome
Si encore la nonchalance d’un cinéaste, qui n’en a clairement plus rien à faire des films qu’il enchaîne à une rapidité déconcertante, avait pu accoucher d’un long métrage divertissant. En lieu et place, on assiste plutôt à une démonstration du principe d’entropie, où tout n’est que dégradation et affaiblissement des qualités du premier "Gladiator", en dehors, peut-être, du personnage machiavélique interprété par Denzel Washington.
Héros tragique à l’épaisseur humaine fascinante, Russel Crowe cède la place à un Paul Mescal sans aspérités. Les empereurs sanguinaires Caracalla et Geta singent de manière pitoyable les mimiques autrefois plus démentes de Commodus (Joaquin Phoenix). La dimension shakespearienne du premier volet flirte ici avec un épisode de télénovela. Quant aux scènes de Colisée, révélant des monstres simiesques, des requins et un rhinocéros, elles naviguent à vue entre le grotesque et le navrant.
On ne mentionnera même pas l’éventuelle dimension politique de ce "Gladiator 2", où les héros cherchant à renverser la dictature évoquent leur envie de restaurer la grandeur de Rome ("Make Rome Great Again", sérieusement?), tant elle peut signifier tout et son contraire. A l’image de cette suite inutile qui, en attendant les taxis autonomes, avance un peu plus l’idée d’un cinéma autonome bientôt généré par une I.A.
Rafael Wolf/aq
"Gladiator 2" de Ridley Scott, avec Paul Mescal, Pedro Pascal, Connie Nielsen, Denzel Washington. A voir dans les salles romandes depuis le 13 novembre 2024.