Khartoum, 2005. Au moment de la mort de John Garang, chef des rebelles soudanais, la capitale est en proie à de violentes émeutes. Mona renverse un garçon en voiture et s'enfuit. Le père du garçon la poursuit et est abattu par le mari de Mona, qui le prend pour un émeutier.
Mona se tait et se rapproche de Julia, mère du garçon qu'elle a heurté. Elle l'engage chez elle avec son fils et une amitié lie peu à peu la musulmane nantie du Nord à la pauvre chrétienne du Sud.
Le général par l'intime
Filmé en format carré dans un récit qui privilégie le huis clos de la demeure de Mona et de son mari, "Goodbye Julia" se resserre sur ses personnages pour donner à voir le général par l'intime. Sans jamais observer Mona et Julia comme de simples illustrations d'une thématique universelle, le long métrage développe dans toute sa complexité et ses paradoxes la relation ambiguë qui lie les deux femmes, symboles d'une société soudanaise tiraillée entre réconciliation et séparatisme, Nord et Sud, riches et pauvres, musulmans et chrétiens.
Racisme et mensonge
En plus de révéler les distinctions de classes existantes au Soudan, fondée sur un racisme exercé par la population arabe sur la population noire, "Goodbye Julia" passionne d'autant plus qu'il tourne en cercles concentriques autour du thème du mensonge, dans lequel tous les personnages sont plus ou moins engoncés. Mona en premier lieu, qui cache sa stérilité à son époux, dissimule à Julia les conditions véritables de leur rencontre et tente de renouer secrètement avec sa vocation de chanteuse en montant sur une scène de concert, en burka et guitare électrique à la main.
Une image saisissante qui incarne toute la beauté singulière de cette œuvre forte, sobre, cinématographiquement très tenue, où la musique rayonne comme une lumière émancipatrice remplie d'espérance.
Rafael Wolf/aq
"Goodbye Julia" de Mohamed Kordofani (120’), avec Ger Duany, Siran Riak, Nazar Goma. A voir en salles depuis le 29 mai 2024.