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"Handling the Undead", un film de zombies captivant signé Thea Hvistendahl

"Handling the undead", un film de Thea Hvistendah. [Filmcoopi - Morten Brun]
Cinéma par Philippe Congiusti / Vertigo / 7 min. / le 18 juillet 2024
Récompensé récemment du Narcisse du meilleur film au NIFFF ainsi que du Méliès d’argent du meilleur long métrage fantastique européen, "Hangling the Undead" de Thea Hvistendahl est à voir au cinéma depuis le 17 juillet. Film d'auteur et de zombies, il traite de la difficulté de faire son deuil.

Pour son premier long métrage basé sur une nouvelle de John Ajvide Lindqvist, dont les livres "Laisse-moi entrer" et "Border" ont déjà été adaptés avec succès au cinéma, la cinéaste norvégienne Thea Hvistendahl fait preuve d’une virtuosité qui enthousiasmera les cinéphiles les plus exigeants.

Elle s’en remet à la puissance du cinéma, de ses images, de ses plans fixes qui s’étirent en longueur, de ces mouvements de caméra souples et gracieux, de ses dialogues précieux distillés avec parcimonie. Loin des zombies violents de Romero ou des speedés de Danny Boyle, elle se rapproche de ceux de Jacques Tourneur ou Victor Halperin.

Trois familles en deuil

Dans "Hangling the Undead", un vieil homme, Mahler (Bjorn Sundquist), quitte son appartement et se rend chez sa fille (Renate Reinsve) pour lui offrir de partager un dîner qu’il a mitonné. Indifférente, trop occupée à manucurer ses ongles de pieds, elle daigne enfin décrocher un mot en guise de refus quand elle tourne les talons pour rejoindre son lieu de travail. Dans un autre appartement, une femme âgée, Tora (Bente Borsum), se désespère devant la photo d’Elisabeth (Olga Damani), sa compagne disparue.

Dans une autre famille, Eva (Bahar Pars) et David (Anders Danielsen Lie) font faux bond à leurs enfants pour aller acheter un cadeau d’anniversaire au fiston. Soudain, un orage magnétique éclate. Eva, au volant de son auto, donne un coup de volant fatal après avoir été absorbée par la radio qui ne cessait de s’allumer intempestivement. Arrivée morte à l’hôpital, on prévient David qu’elle est revenue à la vie. De son côté, alors qu’il se recueille sur la tombe de son petit-fils, Mahler entend des bruits dans le cercueil. Il court chercher une pelle pour déterrer l’enfant. Quant à Tora, elle n’est même pas affolée lorsqu’Elisabeth frappe à sa porte.

La lenteur comme élément de terreur

Ces zombies au regard vide geignent, grognent, grommellent, peinent à marcher et sont surtout terriblement mous. Les vivants se prennent à rêver qu’une vie est possible avec leurs tendres morts. Sauf qu’un zombie est un zombie. Ça aime le sang. Ça tue des petits lapins. Ça vous tranche une jugulaire en un coup de dent. 

Mais en prenant son temps. Et tout est là! Dans "Handling the Undead", la lenteur devient un élément de terreur fascinant. Thea Hvistendahl l’a bien compris, d’où ce rythme imposé qui oblige le spectateur à admirer l’horreur dans toute sa splendeur. Ces scènes de cohabitation entre morts et vivants, d’une profonde banalité, procurent néanmoins un plaisir fou. La sobriété du dispositif et la sécheresse de la mise en scène obligent en effet à contempler la mélancolie bouleversante des zombies et l’espoir vain des vivants.

"Handling the Undead", ou quand le genre contamine brillamment le cinéma d’auteur pur et dur, est bien un film anti popcorn qui mérite le détour, également pour les maquillages qui sont superbes! Ce qui aurait pu rester un insignifiant drame de plus sur l’épreuve difficile du deuil vire au film fantastique unique et envoutant. A juste titre, il a remporté cette année au NIFFF le Narcisse du meilleur film ainsi que le Méliès d’argent du meilleur long métrage fantastique européen.

Philippe Congiusti/ms

"Handling the Undead" de Thea Hvistendahl, avec Bjorn Sundquist, Renate Reinsve, Dennis Ostry Ruud, Bente Borsum. A voir dans les salles romandes depuis le 17 juillet 2024.

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