Des dizaines de voix iconiques qui doublent les stars du cinéma américain comme Morgan Freeman ou Margot Robbie ont lancé le collectif "Touche pas à ma VF". Leur objectif est d'alerter sur la volonté des majors américaines de remplacer le doublage par des générateurs de voix artificielles. Le collectif appelle les pouvoirs publics français à légiférer pour protéger les métiers liés au doublage en France.
Peu coûteuse, la technologie du doublage via l'IA est bientôt au point. Elle permet un meilleur mouvement labial et une émotion qui se rapproche de l'authentique, arguent ses concepteurs. Mais pour les doubleurs français, il s'agit d'usurpation.
"Leur argument est complétement bidon. Ce n’est qu’une imitation de notre travail", a estimé Emmanuel Curtil, comédien spécialisé dans le doublage, dans le 19h30 de la RTS. "C’est fait par un robot. Donc à part respecter le timbre du comédien, tout le reste est faux", surenchérit la comédienne Dorothée Pousseo, également spécialisée dans le doublage.
Le sous-titrage séduit de plus en plus
"En France, on a la culture du doublage. Si les gens regardent en si grand nombre la version française, c’est parce qu'elle est d’excellente qualité", poursuit Emmanuel Curtil.
Mais la VF séduit de moins en moins, en France comme en Suisse romande. Il y a dix ans, 43% des tickets vendus dans les cinémas romands l'étaient pour un film non doublé. L'an dernier, ce chiffre a atteint 51%.
"Il y a une forme d’imperfection dans l’humain"
Dans l’unique studio de doublage romand, les séries alémaniques, à l'instar de Neumatt, sont adaptées en s’inspirant des exigences françaises. "On doit être extrêmement précis. On ne peut pas se permettre de faire des phrases plus longues que celles qui sont écrites sur la bande rythmo. Et en même temps, et c’est là l’art supplémentaire, on doit pouvoir malgré tout trouver sa liberté et jouer", détaille Frank Semelet, comédien et directeur artistique de doublage au Masé Studio à Satigny.
Face à l’intelligence artificielle, il se veut rassurant. "Il y a une forme d’imperfection dans l’humain. L’humain n’est pas parfait. L’humain n’est pas une machine. Le petit grain de voix qu’on va apporter, à l’heure actuelle, la machine ne peut pas le faire", estime Frank Semelet.
En Suisse romande, le doublage reste une activité accessoire chez les comédiens. En France, il s'agit d'une véritable industrie qui comporte une vingtaine de métiers différents et plus de 20'000 emplois.
Léa Jelmini et Thibaut Clémence/asch