Filmer des femmes transgenres comme des déesses modernes, ici et maintenant, dans les rues nocturnes de Tel-Aviv. Voilà l’ambition vertigineuse de Yolande Zauberman, partie à la recherche de cette belle de Gaza croisée furtivement lors de son précédent documentaire, "M". La légende prétend que celle-ci aurait quitté à pied son lieu d'origine pour vivre sa transition en Israël. La réalité est toute autre et devient le prétexte à plusieurs rencontres avec des femmes trans qui bousculent les frontières entre territoires, genres et religions.
D'authentiques héroïnes
Avec une caméra tremblée qui paraît pour ainsi dire clandestine, filmant au plus près des corps et des visages, "La belle de Gaza" pose sur ces femmes un regard d'une empathie, d'une proximité et d'une humanité prodigieuses. Que ce soit Talleen, première Miss Trans Israël, Israela, qui a vécu une grande histoire d'amour avec un rabbin, Nathalie, Danielle, Nadine, contraintes à la prostitution pour survivre, le documentaire défie les limites imposées aux identités et questionne, à travers ces authentiques héroïnes, la religion, la famille, le sexe, la jouissance, l'amour, le viol, le rejet.
Une dimension politique
Mêlant à une esthétique radicale et ultra-réaliste une dimension musicale et quasi mythologique, le film passionne de bout en bout en révélant des femmes qui se réapproprient une foi et une religion d'habitude confisquées par ceux qui les oppriment.
Yolande Zauberman évite tout misérabilisme et accompagne les paroles de chacune comme une confidente privilégiée, puisant dans ces corps à la fois haïs et admirés sa dimension politique, qui ne doit rien au militantisme ou aux discours théoriques. En résulte un documentaire bouleversant qui parvient à faire émerger un peu de lumière et d'espoir au cœur d'un monde brutal et ténébreux.
Rafael Wolf/olhor
"La belle de Gaza", documentaire de Yolande Zauberman. A voir dans les salles romandes depuis le 5 juin 2024.