"C'est un film sur lequel j'avais envie de m'autoriser beaucoup de choses", indique le réalisateur Bertrand Bonello dans l'interview accordée à l'émission Vertigo le 12 février. Présenté en sélection officielle à la Mostra de Venise en 2023, son nouveau long métrage "La bête" est en effet un film complexe, étrange, fascinant et même déroutant.
Inspiré d'une nouvelle d'Henry James
2044: l'intelligence artificielle a pris le contrôle d'une société dans laquelle les émotions humaines sont devenues une menace. Pour s’en débarrasser, Gabrielle (Léa Seydoux) doit purifier son ADN en se replongeant dans ses vies antérieures, en 1910 et en 2014. Elle y retrouve Louis (George MacKay), son grand amour. Mais une peur l'envahit. Elle a le pressentiment qu'une catastrophe se prépare.
Le scénario de ce long métrage est inspiré de "La bête dans la jungle", une nouvelle d’Henry James parue en 1903 qui se focalisait sur l’Angleterre du début du XXe siècle. Le réalisateur français explique avoir gardé de cette histoire l'argument principal qu'il a développé dans la longue scène d'exposition du bal qui se déroule en 1910, pour ensuite s'autoriser à "tout exploser". "A partir de là, j’ai été aussi infidèle que ce que j’avais pu être fidèle dans les dialogues du début, en poussant au maximum les curseurs de l’amour et de la peur", analyse-t-il.
Mélange d'époques et de genres
Le sentiment amoureux, thématique centrale du film, s'exprime de façon très différente selon les trois époques traitées. "J'ai voulu montrer que Gabrielle était la même en 1910, en 2014 et en 2044. Ce qui change, ce sont les époques. Et ce sont les époques qui fabriquent des comportements différents. C'était important pour moi - et j'ai beaucoup travaillé sur ce point - qu'il n'y ait pas trois films, mais un seul, et qu'il n'y a pas trois personnages féminins ou masculins, mais un seul. Il fallait réussir à ce qu'ils s'additionnent, qu'ils se contaminent et s'enrichissent."
Le film mélange les époques, mais également les genres cinématographiques, n'hésitant pas à passer du mélodrame au thriller, voire au film d'horreur, en faisant un détour par la science-fiction, un genre que le cinéaste n'avait encore jamais abordé. "La science-fiction permet de parler de nos peurs présentes en se demandant ce que ça cela pourrait donner dans le futur. Dans mon film, cela donne un futur où l’intelligence artificielle a réussi là où l'humanité a échoué. Mais il y a un prix à payer."
Gaspard Ulliel aurait dû jouer dans le film
Au casting, on retrouve Léa Seydoux et George MacKay. Au départ, c'est Gaspard Ulliel, acteur fétiche de Bertrand Bonello avec lequel il avait tourné "Yves Saint Laurent (2014) et "Coma" (2022) qui aurait dû tenir le rôle de Louis.
Suite à son tragique décès quelques semaines avant le début du tournage, le réalisateur a dû décider s'il annulait le tournage du film ou s'il remplaçait l'acteur. "Quand Gaspard est mort, (...) on a longtemps parlé avec Léa. J'ai décidé de repousser le tournage et de ne pas remplacer Gaspard par un acteur français pour qu'il n'y ait pas de comparaison possible, ce qui aurait été très difficile pour l'acteur en question, mais certainement aussi impossible pour moi. J'ai donc choisi de faire un casting anglo-saxon, qui m'a conduit à Georges MacKay."
Des propos recueillis par Rafael Wolf
Adaptation web: Andréanne Quartier-la-Tente
"La bête" de Bertrand Bonello, avec Léa Seydoux et George MacKay. A voir dans les salles romandes depuis le 14 février 2024 .