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La guerre civile, un sujet qui occupe nos écrans

Une image du film "Civil War" d'Alex Garland. [DR]
L’art en vrai - Guerre civile en prémonition / La Matinale / 5 min. / le 1 mai 2024
Sur les écrans, grands ou petits, le sujet de la guerre civile se déploie. Actuellement, deux fictions "Civil war" et "La Fièvre" captivent l'attention du public, des critiques et même des sphères politiques. 

Le long-métrage "Civil war" du Britannique Alex Garland met en scène Kirsten Dunst en photoreporter dans une Amérique en proie à une guerre civile et confronté à la sécession de la Californie et du Texas. Le film, qui s'attache à décrire avec le plus grand réalisme possible le chaos et la sauvagerie qui menaceraient les Etats-Unis à court terme, a été en tête du box-office nord-américain pendant deux semaines.

>> En lire plus : "Civil War", dystopie réaliste d'Alex Garland, enflamme les Etats-Unis

Diffusée sur Canal+, la série d'Eric Benzekri "La Fièvre" dépeint, elle, un emballement généralisé de la France après une altercation entre un joueur de football noir et son entraîneur, traité de "sale toubab" ("blanc" en wolof) lors d'une cérémonie de remise de trophées. Après le succès de sa précédente série "Baron Noir", consacrée à la politique politicienne, le réalisateur explique avoir voulu en faire le "contrechamp", en radiographiant cette fois-ci la France du point de vue de "la société".

C'est dans le livre "Le monde d'hier" de Stefan Zweig qu'Eric Benzekri a pioché le titre de sa série, comme un écho à l'auteur viennois qui racontait l'Europe du début du siècle dernier, embrasé par le nationalisme: "Des amis que j'avais toujours connus comme des individualistes déterminés s'étaient transformés du jour au lendemain en patriotes fanatiques. Toutes les conversations se terminaient par de grossières accusations. Il ne restait dès lors qu'une seule chose à faire: se replier sur soi-même et se taire aussi longtemps que durerait la fièvre."

Ces récits, bien que fictifs, résonnent avec la réalité politique: les élections européennes approchent, du 6 au 9 juin, suivies de près par la présidentielle américaine, le 5 novembre. Le thème de la crise identitaire est au coeur de ces campagnes. En octobre, le président du Rassemblement national Jordan Bardella a rapporté que le président Emmanuel Macron lui aurait dit qu'il ne souhaitait pas dissoudre les organisations politico-religieuses en France par "risque de conduire le pays à la guerre civile".

De son côté, "Civil war" a ravivé les craintes d'un possible effondrement, résultat d'une polarisation de la société américaine. "Les Etats-Unis sont-ils à la veille d'une nouvelle guerre civile?" était d'ailleurs le titre d'un récent débat sur les ondes de la RTS.

"La Fièvre", elle, a motivé la publication par la Fondation Jean-Jaurès, think tank plutôt de gauche, d'une trentaine d'analyses signées par d'éminents politologues ou sociologues, dont l'auteur italo-suisse Giuliano da Empoli, auteur du "Mage du Kremlin". Ce n'est pas tous les jours qu'une série suscite une analyse politique.

Selon Giuliano da Empoli, "La Fièvre" constitue un acte politique majeur. "La série est la preuve éclatante que chacun doit trouver sa forme pour faire de la politique, si tant est qu'on ait encore envie d'en faire."

Mais pourquoi ces histoires captivent-elles autant? Peut-être cherchons-nous, à travers ces récits, à anticiper ou à prévenir les crises à venir. Pour la Fondation Jean-Jaurès, "La Fièvre" représente une prophétie à rejeter, une invitation à trouver des solutions dans la fiction plutôt que dans la fatalité.

"C'est la possibilité de discuter des tensions identitaires qui agitent le pays, et même qui le fracturent, hors des faits divers. Ce qui m'importe, c'est le collectif: comment on essaie de vivre ensemble alors qu'on est des Gaulois. C'est-à-dire des gens qui ne parlaient pas la même langue il y a deux siècles", explique Eric Benzekri, sur France Inter.

Anne Fournier/vajo

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