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"La planète des singes: le nouveau royaume", blockbuster solide mais peu novateur

"La planète des singes: Le nouveau royaume" de Wes Ball. [20th Century Studios]
Débat cinéma / Vertigo / 27 min. / le 8 mai 2024
Après la première pentalogie de la planète des singes, débutée en 1968, un remake de Tim Burton, voici le quatrième volet d'une nouvelle saga entamée en 2011. Le blockbuster "La planète des singes: le nouveau royaume" tire un peu sur la corde, mais fait résonner le roman de Pierre Boule avec notre époque.

Racisme. Ecologie. Danger nucléaire. Antispécisme. Cohabitation entre primates et êtres humains. Depuis près de soixante ans, l'inversion de l'évolution imaginée par l'écrivain Pierre Boule ne cesse de se nourrir des questionnements contemporains. Et ce n'est pas Disney, détenteur de la franchise de "La planète des singes", qui se privera de continuer à l'exploiter jusqu'à la moelle.

L'excellente réactualisation de la saga, entamée en 2011 avec "Les origines", prolongée avec "L'affrontement" et ponctuée par "Suprématie", trouve ici un quatrième volet qui a tout de l'épisode opportuniste, tremplin à de futures itérations évidentes. Pour autant, le résultat est loin d'être indigne.

Nous sommes en 2328. Des siècles après la mort de César, figure messianique et leader fédérateur du soulèvement des singes contre les humains, Noa vit en paix avec son clan dont chacun des membres est lié à un aigle. Jusqu'au jour où un autre clan de primates, bien plus belliqueux, dirigé par le dictatorial Proximus, asservi le peuple de Noa et cherche à exploiter les connaissances d'une jeune humaine qui va jouer un rôle essentiel dans cette guerre de pouvoir.

La nature a repris ses droits

Sans sacrifier ses personnages sur l'autel du pur spectacle, au demeurant tout à fait bluffant, "Le nouveau royaume" débute par une plongée assez sidérante dans une nature qui a repris ses droits, la faune gangrénant les gratte-ciel de cités en ruine. L'humain semble ne plus être qu'un lointain écho et se contente ici d'une présence minimale, l'accent du film étant mis ici avec bonheur sur les primates.

Si le film prolonge sans grande nouveauté les questions posées dans les précédents épisodes, concernant la cohabitation entre singes et humains, les luttes intestines au sein du peuple simiesque, il développe toutefois une réflexion plus singulière sur l'héritage et le passé.

D'un côté, Noa, héros de ce film aux allures de récit initiatique, vit dans un oubli inconscient du passé de ses ancêtres, comme enrobé dans une bulle idéale, mais illusoire. Sa prise de conscience progressive, concernant l'ancien statut des singes sur terre, constitue l'une des pistes narratives les plus passionnantes de cette suite, notamment dans une scène formidable où Noa découvre dans un livre pour enfants des images de singes enfermés dans les cages d'un zoo.

>> Le débat cinéma de Vertigo :

Débat cinéma: "La planète des singes: Le nouveau royaume" de Wes Ball
Débat cinéma: "La planète des singes: Le nouveau royaume" de Wes Ball / Vertigo / 8 min. / le 10 mai 2024

Un blockbuster tenu

Méchant désigné, mais trompeur, du "Nouveau royaume", le tyrannique Proximus pervertit pour sa part les valeurs unificatrices de César tout en prétendant les perpétuer, détournant un message de paix au profit d'un dogmatisme religieux qui ne vise que le pouvoir. Enfin, la jeune humaine aux intentions plus que troubles s'avère in fine beaucoup moins innocente qu'elle n'en a l'air, brandissant un discours ultra-conservateur sur la supposée appartenance de la planète à l'espèce humaine.

On peut déceler dans cette manière de retourner sans cesse aux origines, à un passé qui n'évolue finalement que très peu, à la fois un aveu de faiblesse de ce "Nouveau royaume" qui n'a de neuf que son titre, autant qu'un propos plus captivant, et pessimiste, sur notre incapacité à définir les contours d'un monde réellement différent et renouvelé. En l'état, et en dépit d’une mise en image plus fonctionnelle qu'imaginative, "La planète des singes: le nouveau royaume" s'affirme comme un blockbuster solide, tenu et pertinent.

Rafael Wolf/olhor

"La planète des singes: le nouveau royaume" de Wes Ball, avec Freya Allan, Kevin Durand, William H. Macy. A voir dans les salles romandes depuis le 8 mai 2024.

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