Un bus roule sur une route de campagne. Au-dehors, une nature enneigée. A son bord, des femmes voilées; l'une d'elles écoute au casque du rap en farsi. C'est Leila Hosseini, judoka iranienne qui arrive avec sa délégation aux championnats du monde en Géorgie. Sa coach et amie, Maryam, fait partie du voyage et encourage sa protégée à décrocher une médaille d'or.
Mais alors que Leila remporte un combat après l'autre, Maryam reçoit un appel d'un officiel du régime iranien qui cherche à obliger la championne à feindre une blessure et déclarer forfait pour ne pas avoir à se retrouver face à une judoka israélienne et risquer une défaite. Dans le périmètre restreint du tatami, Leila lutte pour ne pas laisser les diktats entraver sa carrière sportive.
Un film qui tient en haleine
Porté par un noir et blanc magnifique et un format d'image carré, qui épurent le film et l'emmènent du côté de la fable plus que du drame réaliste, "Tatami" ne prend que quelques minutes pour agripper son public et le tenir en haleine pendant près d'une heure quarante.
Incarnant ses questions politiques et féministes dans un récit au suspense et à la tension permanents, frôlant par moments le pur thriller paranoïaque, le résultat parvient à nous faire ressentir au plus près les dilemmes de son héroïne, tiraillée entre sa famille directement menacée à Téhéran, ses ambitions de victoire, son époux qui l'encourage à résister et sa coach qui l'adjure d’obéir aux ordres des mollahs.
Un acte de désobéissance
Rythmé par les matchs d'une intensité folle, "Tatami" confronte d'ailleurs rapidement son héroïne à un double combat: physique et psychologique. A ce titre, il faut souligner la performance époustouflante de la comédienne Arienne Mandi, révélation du film, qui assume avec autant de puissance la partie sportive que la partie plus intériorisée.
Face à elle, l'actrice et coréalisatrice Zar Amir Ebrahimi, exilée d'Iran, lauréate du prix d'interprétation féminine au festival de Cannes pour "Les nuits de Mashhad" en 2022, apporte tous les paradoxes d'une coach qui s'est laissée autrefois intimider par le régime iranien et forme avec Leila un duo complexe et poignant.
Au cœur du film, la question de la désobéissance s'avère qui plus est symbolisée par un autre duo, celui composé par l'Iranienne Zar Amir Ebrahimi et l'Israélien Guy Nattiv, co-cinéastes de ce "Tatami" qui met les mollahs au tapis.
Rafael Wolf/ld
"Tatami" de Zar Amir Ebrahimi et Guy Nattiv, avec Arienne Mandi, Zar Amir Ebrahimi, Ash Goldeh. A voir dans les salles romandes depuis le 4 septembre 2024.