Jeune étudiante en architecture fraîchement débarquée à Paris, Emilie (Marion Barbeau) découvre une nuit qu'elle est observée par un drone silencieux à la fenêtre de son appartement. Les jours suivants, il la suit et scrute chacun de ses mouvements. D'abord protecteur, le drone devient de plus en plus inquiétant. Malgré la menace et le danger, Emilie va tenter de savoir qui se cache derrière les manettes.
Pour son premier long métrage, Simon Bouisson a choisi des thématiques qui résonnent fortement avec l'actualité. Voyeurisme, prédation envers les femmes, usage de la technologie comme arme, "Drone" aborde toutes ces questions, à travers le récit initiatique d'une jeune femme solitaire et introvertie.
Une revanche à prendre
L'ambivalence et le mystère autour du personnage d'Emilie ont séduit Marion Barbeau: "On ne sait pas grand-chose du passé de cette femme, mais je me suis imaginé qu'elle avait vécu des traumatismes qui ne sont clairement pas réglés au moment où l'on raconte l'histoire dans le film", explique la comédienne dans l'émission Vertigo du 30 septembre.
"Quand Emilie débarque à Paris, c'est une jeune femme très ambitieuse, très travailleuse, je dirais même assez talentueuse et très solitaire aussi. Timide, introvertie, Emilie a peur du regard des autres et surtout de celui des hommes. En même temps, on sent qu'elle a une revanche à prendre, on sent que ça bouillonne à l'intérieur. C'est comme s'il y avait à quelque chose de très animal, très primaire en elle qui demandait à sortir", poursuit la danseuse et comédienne.
Prédations multiples
Emilie n'est pas le seul personnage ambivalent du film. Le drone aussi comporte sa part d'ombre et de lumière. "Comme Emilie est un personnage solitaire, au début le drone est comme un ami imaginaire pour elle. On ne sait pas vraiment s'il existe en dehors de sa tête, détaille Marion Barbeau. Il va ensuite l'aider dans son travail, en allant filmer l'usine désaffectée qu'elle doit réhabiliter. Le drone va aussi l'emmener voir son amoureuse, grâce à un casque virtuel, et Emilie va se retrouver dans la peau de la voyeuriste."
Mais l'aide et la protection font rapidement place à une relation d'emprise. Le véhicule aérien dépossède Emilie de son corps et de ses idées. La jeune femme doit non seulement faire face à cette relation d'emprise avec une machine, mais aussi avec les figures masculines qui l'entourent. A l'instar de son prof d'architecture qui "dévore" les gens avec qui il travaille ou encore Olivier, un de ses camarades de classe, fils d'une famille aisée qui va forcer Emilie à faire quelque chose qu'elle ne veut pas dans une scène assez terrible du film.
Des nouvelles cordes à son arc
Révélée par le film "En corps", Marion Barbeau est à la base première danseuse de l'Opéra de Paris depuis ses 27 ans. Le film de Cédric Klapisch sorti en 2022, dans lequel elle incarnait une danseuse de ballet blessée, a fait office de révélateur puisqu'il lui a donné le goût du cinéma, tout en lui faisant rencontrer le chorégraphe israélien Hofesh Shechter.
Il y a quelques jours, la jeune femme a d'ailleurs annoncé sa démission de lʹOpéra de Paris, pour se consacrer au cinéma et à de nouveaux projets de danse. "Je me sens désormais plus à l'aise avec le côté collectif, moins hiérarchique de la danse contemporaine. En plus, il y a cette énergie de groupe que je retrouve moins dans la danse classique", affirme Marion Barbeau.
Quand au 7e art, la danseuse dit l'aimer pour sa subtilité: "Je pense que ça me plaît beaucoup d'aller chercher une vérité, une honnêteté dans des personnages qui n'ont absolument rien à voir avec nous."
Propos recueillis par Anne Laure Gannac
Adaptation web: Sarah Clément
"Drone" de Simon Bouisson, avec Marion Barbeau, Eugénie Derouand et Cédric Kahn. A voir dans les salles romandes depuis le 2 octobre 2024.