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Pour la réalisatrice Jane Campion, "le mur de Berlin de la domination masculine est tombé"

La 77e édition du Festival de Locarno récompense la cinéaste Jane Campion pour l'ensemble de sa carrière. [Keystone - VIANNEY LE CAER]
Jane Campion, Pardo d'Onore de Locarno / Vertigo / 13 min. / vendredi à 17:06
La réalisatrice néo-zélandaise Jane Campion a reçu lors du dernier Festival du film de Locarno un Léopard d'honneur qui récompense l'ensemble de sa carrière. L’occasion pour elle d'évoquer ses débuts et l’évolution de l’industrie du cinéma.

La réalisatrice de "The Piano" ("La leçon de piano"), film multirécompensé en 1993, a longtemps porté ce premier grand succès comme un fardeau. "Les gens comparaient toujours tout à ce film", explique Jane Campion dans Vertigo du 18 août. Un fait d’autant plus étonnant qu’elle pensait avoir réalisé un petit film d'auteur.

Ses débuts avec le cinéma datent des années 1970. En 1975, la Néo-Zélandaise obtient un diplôme en anthropologie de l’Université Victoria de Wellington et part voyager en Europe. "C'était une belle expérience, mais je me sentais aussi seule, ce qui m'a poussée à aller au cinéma pour trouver de la compagnie. C'est là que je suis tombée amoureuse du cinéma", raconte-t-elle.

De retour en Australie et après quelques cours d'art où elle apprend que "regarder et voir étaient des langages", elle prend des cours à l’Australian Film, Television and Radio School. En 1982, encore étudiante, elle écrit et réalise son premier court métrage, "Peel", qui obtient la Palme d’or du court métrage au Festival de Cannes en 1986.

Un parcours de liberté

Jane Campion se souvient de ses débuts en tant que femme dans un milieu où l'argent était surtout entre les mains d'hommes conservateurs. "La meilleure réponse que j’ai trouvée était de me taire et de continuer".

Malgré tout, Jane Campion garde la confiance et l'intérêt de certains producteurs. La réalisatrice néo-zélandaise porte à l’écran des portraits de femmes avec un thème récurrent, l'émancipation de ces héroïnes considérées comme marginales par leur entourage social. Les films se succèdent après "La leçon de piano", avec entre autres succès, "Portrait de femme" (1996), ou encore "Bright Star" (2009), ainsi que les deux saisons de la série à suspense "Top of the Lake" (2013 et 2017).

Féministe, mais pas que…

Jane Campion est une réalisatrice qui refuse toute limite à sa liberté artistique. "Être libre, c’est par exemple ne pas se sentir obligée de porter les chaînes et le collier d’une féministe responsable, ce qui est une façon d’être capté. Je crois vraiment à la liberté artistique. C’est vraiment important pour toutes les femmes qui travaillent dans ce domaine".

L’industrie du cinéma évolue. Jane Campion juge que "le mur de Berlin de la domination masculine est tombé". Elle voit "des femmes formidables se manifester" dans l’univers du cinéma, à l’image des réalisatrices multirécompensées Chloé Zhao ("Nomadland") ou Justine Triet ("Anatomie d'une chute").

Une évolution qui lui ouvre de nouvelles perspectives. "J’ai eu l’impression de pouvoir faire un film avec des personnages masculins parce que les filles [les réalisatrices] étaient là". Elle se lance alors en 2021 dans la réalisation de "The Power of the Dog".

Un dernier succès

Western sombre et psychologique, "The Power of the Dog", adapté du roman de Thomas Savage, relate l’histoire d'un cowboy tourmenté. Un personnage singulier et inspirant: "il était intéressant que ce soit un homme gay. Ce qui est vraiment une humiliation pour le western", juge-t-elle.

Le film marque un tournant dans l’œuvre de Jane Campion qui interroge cette fois la domination masculine dans l’Ouest américain. Avec succès: le film a remporté en 2021 le Lion d'argent de la meilleure réalisation au Festival international du Film de Venise et raflé depuis plus de trente autres récompenses.

Vertigo: Rafael Wolf 

Adaptation web: Sébastien Foggiato

L'intégralité des films de cinéma de la réalisatrice néo-zélandaise Jane Campion est à découvrir au Capitole de Lausanne (VD) de septembre à octobre 2024.

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Quelques distinctions de Jane Campion

Jane Campion a marqué l'histoire du cinéma en devenant la première réalisatrice à recevoir la Palme d'Or au Festival de Cannes en 1993 pour son film "The Piano" ("La leçon de piano"), qui lui a également valu l'Oscar du meilleur scénario.

Sa série à suspense "Top of the Lake" (2013 et 2017) a reçu huit nominations aux Emmy Awards, deux nominations aux Golden Globe Awards, ainsi que le prix de la Meilleure série télévisée dramatique de l'année aux Screen Producers Association Awards en 2013.

En 2021, la cinéaste a présenté "The Power of the Dog" en première mondiale au Festival international du film de Venise et a remporté le Lion d'argent de la meilleure réalisation. Par la suite, son long métrage a reçu plus de trente distinctions dans la catégorie Meilleur Film et plus de trente récompenses dans la catégorie Meilleure Réalisation.