"Sauvages", le dernier film d'animation du réalisateur Claude Barras, co-produit par la RTS, transporte le spectateur dans la forêt de Bornéo avec deux enfants et un bébé orang-outan. Il offre un conte écologiste et écologique dénonçant les ravages de la déforestation et de l'exploitation intensive des producteurs d'huile de palme à Bornéo, en Asie du Sud-Est.
Kéria est une fillette de onze ans dont la mère décédée était issue d'un peuple autochtone. Un jour, elle recueille un bébé orang-outan orphelin, trouvé dans la plantation d'huile de palme dans laquelle travaille son père. C'est ensuite son cousin Selaï qui entre dans sa vie, un jeune Penan – un peuple de chasseurs-cueilleurs de l'île de Bornéo – éloigné par sa famille du conflit qui oppose son peuple aux entreprises forestières.
Au contact de son cousin, la jeune fille va se reconnecter avec ses racines autochtones. Ensemble, ils vont tout faire pour lutter contre la destruction annoncée de leur environnement et de leur habitat.
L'héritage de Bruno Manser
Le film n'est pas sans rappeler l'histoire de l'activiste bâlois Bruno Manser, disparu il y a vingt ans dans des circonstances suspectes alors qu'il défendait la forêt de Bornéo. "Bruno Manser est une des inspirations de mon enfance et du film que je sors aujourd'hui", explique Claude Barras dans l'émission Vertigo du 15 octobre.
L'idée du film est née en 2016, alors que Claude Barras tombe sur un article alarmant: la population d'orangs-outans est passée d'un million d'individus en 1900 à seulement quelques milliers en 2016. "J'avais envie de parler de la fin programmée de ces animaux fantastiques", souligne le réalisateur.
Entre tradition et modernité
Claude Barras s'attelle à éviter le cliché des "bons sauvages". Dans son film, les peuples autochtones intègrent certains aspects de la modernité tout en préservant une partie de leur culture. Si certains Penans mènent une vie de nomades dans la forêt, une partie d'entre eux se sont installés en ville et profitent de la modernité: "Ce sont ces différentes facettes de la culture penane que j'ai essayé de réunir dans ce film".
Le cinéaste valaisan prend soin d'éviter toute vision manichéenne et offre "un conte basé sur une réalité tangible". La forêt de Bornéo, écosystème fragile et menacé, n'est pas sans danger pour les jeunes personnages de son film. Tapis dans l'ombre, les animaux sont pour certains menaçants.
Une technique d'animation perfectionnée
Le film utilise la technique du stop-motion, déjà employée pour "Ma vie de Courgette". Claude Barras précise que son équipe s'est appuyée sur de nouvelles technologies comme l'impression 3D métal pour les armatures des corps et l'impression en frittage de poudre pour les têtes des personnages.
Ce qui impressionne dans "Sauvages", c'est le rendu de cette forêt tropicale. Foisonnante, elle présente une foule de détails et se renouvelle tout au long du film. "On a créé des banques d'arbres et de plantes qu'on recomposait d'une scène à l'autre, avec différentes couleurs, différents éclairages, pour donner cette impression de forêt multiple qui suit le parcours des personnages", précise Claude Barras.
Le réalisateur souligne également l'importance du son pour créer des ambiances réalistes. Dans cette même optique, Claude Barras a envoyé l'ingénieur du son Charles de Ville sur place, dans la forêt de Bornéo, enregistrer les bruits de la forêt pendant trois semaines.
Un thème récurrent: l'orphelin
Comme dans "Ma vie de Courgette", la figure de l'orphelin est centrale dans "Sauvages". Claude Barras y voit un héritage des contes pour enfants qui l'ont marqué, mais aussi un ressort narratif puissant: "Un personnage doit commencer par avoir une fêlure, une perte. Et celle-là ne peut pas être plus grosse que perdre sa mère."
Le film se conclut sur la chanson "Tous les cris les SOS" de Daniel Balavoine, dont les paroles font écho au combat écologique au cœur du récit. Pour Claude Barras, c'est l'occasion de rappeler que "l'heure est grave en matière de biodiversité et de santé de la planète".
Propos recueillis par Rafael Wolf
Adaptation web: Sébastien Foggiato
"Sauvages" de Claude Barras, avec les voix de Babette De Coster, Martin Verset, Laetitia Dosch. A voir dans les salles romandes depuis le 16 0ctobre 2024.