"Je sais à quel point c'est dur de dire non en tant que comédien ou comédienne. Il y a cette idée qu'il faut être prêt à tout, mais c'est faux. On trouve toujours des plans B." Nathalie Allison le sait bien, elle l'a elle-même vécu. Cette comédienne écossaise s'est formée à la coordination d'intimité au Canada. Aujourd'hui, elle fait partie des quatre professionnelles actives en France et elle est régulièrement appelée sur des tournages pour superviser les scènes de sexe.
"Mon travail, c'est d'abord de lire le script pour comprendre le monde dans lequel ces scènes prennent place. Ensuite, je parle avec le réalisateur ou la réalisatrice pour comprendre leur vision." La coordinatrice d'intimité mène ensuite des entretiens avec les acteurs et actrices pour discuter de leurs souhaits, leurs limites et finalement préparer et chorégraphier chaque détail des scènes érotiques.
Ce qu'on veut à tout prix éviter, c'est un tournage comme "Le Dernier Tango à Paris". En 1972, l'actrice Maria Schneider est traumatisée par une scène de viol avec Marlon Brando. "Quand on remarque à la lecture du scénario que les scènes d'intimité sont très peu détaillées, c'est alors aux acteurs de faire des propositions et ça laisse la place à plein de choses, à des abus, car il n'y a pas toujours de consentement", raconte l'actrice Barbara Beddouk.
La comédienne a participé à une table ronde à Paris sur la question. L'événement était organisé par le collectif 50/50 et l'association Divé+, qui s'engagent pour la reconnaissance de ce métier et la mise en place d'une formation homologuée.
Un métier qui vient des Etats-Unis
Parmi les militants, l'assistante de réalisation Marine Longuet estime que la France est en retard sur ces questions. "On assiste un peu à un débarquement américain, avec des plateformes comme HBO ou Netflix qui imposent leurs pratiques quand elles travaillent sur le sol européen."
Les équipes de production françaises se retrouvent ainsi à travailler sur des tournages américains, avec des coordinatrices d'intimité et sur des tournages français, où ces réflexions n'ont pas encore eu lieu.
La francophonie est en retard sur ces questions. Parce que la France est un leader de la production cinématographique, elle a plus de mal à remettre en question ses processus
Entre révélations Metoo et peur de censure
Ce qui est sûr, c'est que ce nouveau métier ne laisse personne indifférent. Alors que la question des abus sur les tournages s'est faite une place au festival de Cannes avec le documentaire de Judith Godrèche, la présidente du Jury et réalisatrice de "Barbie", Greta Gerwig, a évoqué les coordinatrices d'intimité lors de sa conférence de presse.
Selon elle, cette présence sur les plateaux devrait être une évidence. Pourtant, d'autres craignent une forme de censure. Pour le directeur du Festival du Film de Zurich, Christian Jungen, il y a certainement un effet de mode: "Je pense que ce métier disparaitra un jour. Quand on fait un film, il faut aussi pouvoir faire confiance aux gens avec lesquels on travaille."
En Suisse, ces nouvelles pratiques se font progressivement une place. Une coordinatrice d'intimité formée est actuellement active sur certains plateaux. De son côté, l'Office fédéral de la culture souligne que les subventions allouées au cinéma pourraient aussi un jour soutenir cette profession. En revanche, pas question de la rendre obligatoire sur les tournages.
Reportage radio: Anne Fournier
Adaptation web: Joëlle Cachin