"La Cité de la peur", déclaration d'amour déjantée des Nuls au cinéma

Grand Format

Collection ChristopheL via AFP - TELEMA / STUDIO CANAL

Introduction

"Quand je suis content je vomis" ou "meurs, pourriture communiste!". Trente ans après sa sortie, "La Cité de la peur" et ses répliques restent cultes. Ce vendredi 17 mai, la Cinémathèque suisse propose de redécouvrir cette comédie policière loufoque imaginée par le trio des Nuls.

Chapitre 1
Un nanar au festival de Cannes

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Comédie familiale réalisée par Alain Berberian, "La Cité de la peur" sort en 1994. L'histoire de cette comédie zinzin est née de l'imagination d'un trio bien connu du petit écran: les Nuls composés d'Alain Chabat, Chantal Lauby et Dominique Farrugia.

L'histoire se passe à Cannes pendant la promotion d'un mauvais film d'horreur intitulé "Red is Dead", dans lequel un tueur en série communiste tue ses victimes à la faucille et au marteau. Mais la réalité dépasse la fiction puisque le premier jour du festival, le projectionniste se fait assassiner de la même façon que dans le film.

Les meurtres s'enchaînent, une aubaine pour Odile Deray (Chantal Lauby), l'attachée de presse du film, qui fait venir à Cannes l'acteur principal Simon Jérémi (Dominique Farrugia) et un garde du corps, Serge Karamazov (Alain Chabat), chargé de sa protection.

"Red is Dead" devient la coqueluche du festival, tous les producteurs se l'arrachent et pendant ce temps, le charismatique commissaire Bialès (Gérard Darmon) tente d'enquêter sur les meurtres.

>> Voir le sujet du 19h30 sur la projection du film au Capitole à Lausanne pour ses 30 ans :

Le film culte "La Cité de la peur" fête ses 30 ans
19h30 - Publié le 18 mai 2024

Chapitre 2
Amour du cinéma

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A l'écran, le trio des Nuls est entouré de vrais acteurs et actrices: Gérard Darmon, Tchéky Karyo, Daniel Gélin, Jean-Pierre Bacri, Valérie Lemercier, Eddy Mitchell et tant d'autres. Les références sont nombreuses, les gags foisonnent, les répliques fusent.

Véritable bonheur des cinéphiles, "La Cité de la peur" est un film méta qui rend hommage au cinéma tout en le parodiant allégrement, en jouant et en déjouant les codes du polar, du film d'horreur et de la romance.

>> A écouter, l'émission "Travelling" consacrée au film "La Cité de la peur" :

La Cité de la peur, Une comédie familiale, Alain Berberian, 1994. [AFP - 7e Art/Telema / Photo12]AFP - 7e Art/Telema / Photo12
Travelling - Publié le 12 mai 2024

Les Nuls aiment l'humour, la rapidité, l'absurde, le non-sens, et le sérieux imperturbable qui provoque des éclats de rire. Dans "La Cité de la peur", véritable hommage au cinéma, peu importe l'histoire, seul compte le discours, satirique et décalé sur Cannes, le cinéma, les paillettes, le monde des apparences, de l'image et de la télévision.

C'est une parodie, un vrai faux polar nourri par l'exagération et le rire dans un procédé de zapping génial. Les amateurs et amatrices du 7e art s'amusent de découvrir des séquences parodiées de "Pretty Woman", "Bad Taste", "Evil Dead", "Terminator", "Love story", "Point Break", "Basic Instinct", "Les Incorruptibles" ou "Le cuirassé Potemkine".

Chapitre 3
Les Nuls pour les Nuls

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Lorsque les Nuls débarquent dans le paysage audiovisuel français en 1987, c’est une mini-révolution humoristique. A l'époque Chantal Lauby et Bruno Carette se connaissent déjà et collaborent sur une émission d'humour décalée sur FR3 Méditerranée. A Canal +, on leur impose de faire le même type d'émission, en leur proposant deux co-auteurs: Alain Chabat et Dominique Farrugia.

Après quelques tâtonnements, "Objectif Nul" voit le jour le 2 février 1987. Cette série de cinquante épisodes de sept minutes sera couronnée du Sept d'or de la meilleure émission d'humour.

Suivra "Le Journal Télévisé Nul" (JTN) dans l'émission Nulle part ailleurs, dans laquelle ils se chargent du pré-générique, du portrait de l'invité, des fausses pubs et de sketches en direct. Pendant un an, chaque jour en direct, les Nuls dynamitent la télé, entre nouveaux concepts et sketchs inédits.

Mais le 8 décembre 1989, Bruno Carette disparaît, laissant le public et les Nuls orphelins. Alors les Nuls se réinventent. En 1990, ils renouent avec le direct avec "Histoires de la télévision", puis "les Nuls, l'émission", 52 minutes de direct en public, avec des invités. Nouvelle consécration.

En 1992, les Nuls arrêtent la télévision pour se consacrer à l'écriture de leur film. Ce sera "La Cité de la peur".

Chapitre 4
Les hommes de l'ombre

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Après sept ans à se côtoyer sur les plateaux télé, Alain Chabat, Chantal Lauby et Dominique Farrugia rêvent de passer au cinéma. Reste qu'il faut trouver un producteur. Le trio se dirige d'abord vers Claude Berri. Celui-ci, jugeant le film un peu débile, passe la main.

Charles Gassot, lui, accepte le défi. Il faut dire qu'il a déjà bataillé pour produire "La vie est un long fleuve tranquille" en 1988, un film auquel personne ne croyait.

La réalisation du film est confiée à Alain Berberian. Monteur à Canal+, les Nuls le débauchent en 1989 et le propulsent réalisateur de sketches de "A.B.C.D. Nuls". Lui qui ne rêve que de mettre en scène un film de suspense se retrouve à réaliser les cinquante épisodes de "Histoire(s) de la télévision" et toutes les fausses pubs et bandes-annonces de "Les Nuls, l'émission", de 1990-1992. En plus d'être discret et efficace, Alain Berberian a le coeur sur la main.

Le tournage se passe très bien, les rires fusent et la confiance règne entre les acteurs et la réalisation.

Chapitre 5
Sais-tu danser "La Carioca"?

Telema / Studio Canal / Collection ChristopheL via AFP

Avec "La Cité de la peur", Philippe Chany signe sa première BO de cinéma. Ami d'Alain Chabat depuis le lycée, le compositeur français a, au préalable, collaboré à la charte sonore de la toute nouvelle chaîne de télé Canal+.

Après cette première bande originale, Philippe Chany poursuivra sa collaboration avec une partie des Nuls. Il signera la musique de "Trafic d'influence" de Dominique Farrugia (1999), celle de "Didier" (1997) et "Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre" (2002) d'Alain Chabat.

Revenons à la musique du film "La Cité de la peur" et à sa chanson la plus célèbre: "La Carioca". Si cette chanson reste dans les annales, c'est grâce à ses paroles et surtout sa chorégraphie mythique interprétée par Alain Chabat et Gérard Darmon.

Tirée d'un film américain de 1933, "Flying Down to Rio", "La Carioca" est traduite en français par Les Nuls, puis dansée et chantée sur scène par Alain Chabat et Gérard Darmon. Cette "Carioca" sera redansée et rechantée à Cannes en 2019, à l'occasion des 25 ans du film, devant un public conquis.

Chapitre 6
"Parlez-moi de vous plutôt..."

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A sa sortie, "La Cité de la peur" trouve son public, avec plus de deux millions de spectatrices et de spectateurs. Il faut dire que les nulophiles sont nombreux.

Dans une interview accordée au magazine Le Point en 2019, Charles Gassot raconte: "Les avant-premières ont été complètement folles. A l'époque, lorsqu'on débarquait avec les Nuls dans une ville, c'était l'émeute. Je me souviens du jour où j'appelle en panique le responsable de la distribution du film en lui disant: 'écoute, on a un gros souci, on est devant un cinéma en province et il y a plus de 2000 personnes qui attendent d'entrer dans une salle de 400 places'".

>> Une scène tirée du film "La Cité de la peur" : Dominique Farrugia et Alain Chabat dans "La Cité de la peur" [Collection ChristopheL via AFP - TELEMA / STUDIO CANAL]
Dominique Farrugia et Alain Chabat dans "La Cité de la peur" [Collection ChristopheL via AFP - TELEMA / STUDIO CANAL]

La presse, elle n'est pas tendre et reproche au film sa lourdeur, sa vulgarité et son côté scatologique. Dominique vomit, Alain pète, Chantal explose de la foufoune. Alain Chabat déclare: "Les Nuls sont fondamentalement bite-couilles. Je sais, c'est lamentable, mais ça nous fait rire".

Le film finit par passer à la télévision et à sortir en DVD et l'effet magique du trio opère. On le regarde une fois, deux fois, dix fois. "La Cité de la peur" devient aussi populaire que "Le Père Noël est une ordure", "Les trois frères" ou "Les bronzés font du ski".

Toutes celles et ceux qui ont grandi dans les années 1990 voient et revoient le film et le montrent à leurs enfants. La ribambelle de répliques cultes est inlassablement répétée par les adeptes. Le film entre dans la légende.