Michel Blanc, du rire au drame

Grand Format Cinéma

AFP - Les Films Christian Fechner

Introduction

Inimitable Jean-Claude Dusse dans "Les Bronzés", acteur majeur du cinéma comique dans les années 1980 avant de s'orienter vers des rôles dramatiques et une carrière de réalisateur, Michel Blanc est mort à l'âge de 72 ans le 4 octobre. Retour entre rires et drames sur la carrière d'un clown triste en plusieurs films emblématiques.

Chapitre 1
"Les Bronzés" (1978), révélation comique

AFP - TRINACRA FILMS

A l'image du personnage de Jean-Claude Dusse dans "Les Bronzés" de Patrice Leconte (1978) ou de celui de Denis dans "Marche à l'ombre" (1984) que Michel Blanc avait réalisé, ce sont les personnages comiques de losers exaspérants qui lui ont valu son immense popularité auprès du public.

Dans ces films, Michel Blanc crée un archétype comique, celui du chauve maigrichon et moustachu aussi exaspérant qu'attachant, qui lui collera ensuite à la peau.

Michel Blanc dans "Les Bronzés" de Patrice Leconte en 1978. [AFP - TRINACRA FILMS]
Michel Blanc dans "Les Bronzés" de Patrice Leconte en 1978. [AFP - TRINACRA FILMS]

"À l'époque, on a écrit des personnages qui étaient assez proches de nous. Jean-Claude Dusse, c'était clairement pour moi, pas pour Thierry Lhermitte (le play-boy dans "Les Bronzés", ndlr). J'ai très vite eu peur qu'on m'y associe toute ma vie", estimait Michel Blanc.

Chapitre 2
"Marche à l'ombre" (1984), acteur drôle et réalisateur débutant

AFP - Les Films Christian Fechner

Avec "Marche à l'ombre", l'acteur Michel Blanc étend son registre à la réalisation et s'éloigne définitivement du café-théâtre de ses débuts. Dans ce premier long métrage où il joue et met en scène deux sans domicile fixe de retour en France pour se relancer dans la musique, Gérard Lanvin en baroudeur costaud et lui-même en éternel râleur et hypocondriaque, Michel Blanc se révèle cinéaste talentueux.

Quarante ans après, le film qui a connu un énorme succès populaire reste d'une drôlerie et d'une tendresse indémodables. Les galères des deux compères entre couloirs de métro et squats miteux, avec un Michel Blanc persuadé que ses entorses s'infectent, sont savoureuses.

Chapitre 3
"Tenue de soirée" (1986), la métamorphose dramatique

AFP - Luc Roux

Michel Blanc prend ensuite encore d'autres chemins, avec des rôles dramatiques comme celui du travesti Antoine dans "Tenue de soirée" (1986) de Bertrand Blier, ou de l'inquiétant "Monsieur Hire" (1989) de Patrice Leconte.

"Tenue de soirée" met en scène Antoine (Michel Blanc) et Monique (Miou-Miou), deux êtres en quête d'amour qui s'enfoncent dans la déchéance et la fausseté, entraînés par un troisième larron obsédé et amoral (Bob incarné par Gérard Depardieu) dans une série de cambriolages et d'embrouilles.

Michel Blanc se fond parfaitement dans l'univers de Blier, un cocktail explosif de provocations et de bizarreries où les bons mots et les situations aussi drôles que surréalistes abondent. Une comédie volontairement crue, choquante et transgressive permettant à Michel Blanc, qui s'y entiche de Gérard Depardieu et s'y travestit, d'ajouter une magnifique corde dramatique à son registre humoristique.

Ce rôle, couronné du prix d'interprétation masculine à Cannes, marque un tournant dans sa carrière.

Michel Blanc a reçu le prix d'interprétation masculine en 1986 pour son rôle dans "Tenue de soirée" de Bertrand Blier. [AFP - STAFF]
Michel Blanc a reçu le prix d'interprétation masculine en 1986 pour son rôle dans "Tenue de soirée" de Bertrand Blier. [AFP - STAFF]

Chapitre 4
"Monsieur Hire" (1989), le rôle d'un homme glaçant

AFP - Jean Marie Leroy

Michel Blanc se montre à nouveau convaincant dans le registre dramatique, en campant l'inquiétant "Monsieur Hire" (1989) au visage glaçant, d'après un livre de Georges Simenon.

Il y campe un tailleur misanthrope, voyeur et puritain, qui élève des souris blanches, épiant de sa fenêtre en écoutant Brahms une jeune femme libre (Sandrine Bonnaire) et pourtant fascinée par sa perversité. Elle commence alors un jeu de séduction et s’approche du voyeur amoureux.

Michel Blanc en tailleur misanthrope dans "Monsieur Hire" de Patrice Leconte en 1989. [AFP - Jean Marie Leroy]
Michel Blanc en tailleur misanthrope dans "Monsieur Hire" de Patrice Leconte en 1989. [AFP - Jean Marie Leroy]

Nommé aux Césars dans la catégorie Meilleur acteur, Michel Blanc ne se voit toutefois pas récompensé pour sa prodigieuse prestation.

Chapitre 5
"Grosse fatigue" (1994), un humour noir très personnel

AFP - Jérôme Prebois

Gros bosseur, perfectionniste, Michel Blanc savait également utiliser ses complexes et son talent d'écriture pour explorer le désenchantement et façonner les personnages de ses films, notamment ceux qu'il avait réalisés comme "Grosse fatigue" (1994) et "Embrassez qui vous voudrez" (2002).

Dix ans après "Marche à l'ombre", son premier essai, Michel Blanc repasse derrière la caméra pour "Grosse fatigue", deuxième film très personnel dans lequel il égratigne les conséquences d'une célébrité écrasante.

Inspiré par les propres déboires de Gérard Jugnot face à un sosie ayant usurpé son identité, l'acteur-réalisateur imagine une comédie caustique aux dialogues enlevés, entre humour noir et autodérision, récompensée par le prix du scénario au Festival de Cannes en 1994.

Chapitre 6
"L'exercice de l'Etat" (2011), la consécration dramatique

AFP - Jérôme Prebois

Le réalisateur Pierre Schoeller signe avec "L'exercice de l'Etat" un thriller politique qui met en scène les vicissitudes de la fonction ministérielle, de coups bas en concessions.

Le film dépeint la réalité chaotique et frénétique d'un gouvernement de droite dans lequel un ministre des Transports, campé par Olivier Gourmet, se bat sur le dossier de la privatisation des gares.

Michel Blanc a reçu en 2012 le César du meilleur acteur dans un second rôle pour son rôle dans "L'exercice de l'Etat" de Pierre Schoeller. [AFP - Eric Feferberg]
Michel Blanc a reçu en 2012 le César du meilleur acteur dans un second rôle pour son rôle dans "L'exercice de l'Etat" de Pierre Schoeller. [AFP - Eric Feferberg]

Cette radioscopie minutieuse des hautes sphères de la politique vaut enfin à Michel Blanc un César, celui du Meilleur second rôle en 2012 pour son interprétation de directeur du cabinet du ministre des Transports.

Chapitre 7
"Marie-Line et son juge" (2023), l'ultime rôle

Pathé Films - Caroline Bottaro

Au Havre, une jeune serveuse (Louane) voit sa vie bouleversée quand elle accepte un poste de chauffeur offert par un juge acariâtre et déprimé (Michel Blanc) qu'elle vient de rencontrer.

Au-delà de la charmante et mélancolique comédie signée Jean-Pierre Améris, "Marie-Line et son juge" constitue surtout pour l'heure l'ultime long métrage où Michel Blanc apparaît. Avant la sortie prévue en 2025 de "La cache", film du réalisateur suisse Lionel Baier d'après le roman éponyme de Christophe Boltanski (Prix Femina 2015).

Dans ce récit social où fatalisme et déterminisme se confrontent à travers des joutes verbales enlevées, c'est surtout le tandem aussi perdu qu'attachant composé de Louane et Michel Blanc qui séduit.

AFP - Jérôme Prebois