Résumé de l’article

  • Pedro Almodovar réalise "La chambre d'à côté", son premier film en anglais, avec Julianne Moore et Tilda Swinton comme actrices principales.
  • Le film aborde l'euthanasie et l'accompagnement en fin de vie avec une sobriété remarquable, évitant tout pathos excessif.
  • Almodovar s'inspire de tableaux d'Edward Hopper et de l'œuvre de James Joyce, mêlant habilement art et vie dans son récit.
  • "La chambre d'à côté" est salué comme un chef-d'œuvre épuré, marquant une nouvelle étape dans la carrière du cinéaste espagnol de 75 ans.
  • Pedro Almodovar voit la mort en jaune dans "La chambre d'à côté"

    Julianne Moore (à droite) et Tilda Swinton dans le film "La chambre d'à côté" de Pedro Almodovar (2024). [Pathé Films AG]
    Julianne Moore (à droite) et Tilda Swinton dans le film "La chambre d'à côté" de Pedro Almodovar (2024). - [Pathé Films AG]
    Pour son nouveau film, le premier tourné en anglais, le cinéaste madrilène Pedro Almodovar réunit Julianne Moore et Tilda Swinton dans un récit de mort et d'amitié. "La chambre d'à côté", sorti le 8 janvier, évoque la question de l'euthanasie avec une absence totale de pathos. Un chef-d’œuvre épuré.

    L'âge ne connaît aucune égalité. Ainsi aura-t-on souvent vu des cinéastes de carrière décliner inéluctablement avec le temps alors que d'autres puisaient dans le poids des années une nouvelle légèreté. A 75 ans, Pedro Almodovar trouve, dans le roman de Sigrid Nunez, matière à un film magnifique dont la beauté sidérante tient à sa simplicité, son épure, son calme apparent.

    L'histoire débute à New York. Romancière à succès, Ingrid (Julianne Moore) cultive une peur panique de la mort au moment où elle reprend contact avec une ancienne amie: Martha (Tilda Swinton), correspondante de guerre condamnée par un cancer. Martha demande à Ingrid de l’accompagner dans une maison perdue dans la nature où elle prévoit de mettre fin à ses jours. Occupant la chambre d'à côté, Ingrid partage les ultimes journées de son amie, entre souvenirs, regrets, culpabilité et soulagement.

    Une sobriété miraculeuse

    Il ne s'agira donc que de mort à accueillir et à accepter, d'accompagnement et de détachement, dans cette "Chambre d'à côté" qui traite avec une sobriété miraculeuse d’un sujet a priori pesant. Et si la question de l'euthanasie est bien soulevée par Almodovar (notamment dans une scène glaçante emmenée par un policier bigot très suspicieux), elle reste toutefois en toile de fond, laissant le champ libre au duo de femmes qui constitue le cœur d’un récit délesté de toutes afféteries. 

    Cheminant ensemble vers une mort qui n'a jamais paru aussi solaire, aussi douce, aussi apaisée qu'ici, Ingrid et Martha partagent un lien qui dépasse l'amour ou l'amitié. Un lien qui n'appartient qu'à elles, un territoire commun où la disparition, la finitude, rejoint le recommencement, la passation, un territoire où Martha et Ingrid se brouillent comme les deux héroïnes de "Persona" d’Ingmar Bergman, directement cité par Almodovar. Deux femmes incarnées par un binôme d'actrices impériales, Tilda Swinton et Julianne Moore, dont le tandem tout en finesse amène une subtilité et une émotion prodigieuses au film.

    >> A écouter, le débat critique de Vertigo autour du film "La chambre d'à côté" :

    Julianne Moore et Tilda Swinton dans le film "La chambre d'à côté" (2024). [El Deseo / Pathé Films - Iglesias Más]El Deseo / Pathé Films - Iglesias Más
    Débat cinéma / Vertigo / 23 min. / mercredi à 17:08

    James Joyce et Edward Hopper

    De citation, il en sera d'ailleurs beaucoup question dans cette "Chambre d’à côté" qui convoque "Les gens de Dublin", le roman de James Joyce et son adaptation au cinéma par John Huston, et reproduit par moment les tableaux d’Edward Hopper et d’Andrew Wyeth.

    Mais le génie d’Almodovar est d’éluder la tentation vaine de la simple référence pour immerger ses personnages dans ces tableaux, des images, ces textes, comme si Martha et Ingrid habitaient littéralement le monde d’Hopper, de Joyce et de Huston, comme si la vie et l’art, le passé et le présent, les vivants et les morts, se confondaient ici avec une grâce et une délicatesse bouleversante.

    Et quand arrive le moment où Martha se prépare à quitter le monde dans une robe jaune, appliquant un rouge vif sur ses lèvres, on n’a plus aucun souci à parler de "La chambre d’à côté" comme du premier chef-d’œuvre de 2025.

    Rafael Wolf/olhor

    "La chambre d’à côté" de Pedro Almodovar, avec Tilda Swinton, Julianne Moore, John Turturro. A voir dans les salles romandes depuis le 8 janvier 2025.

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