"Bird" d'Andrea Arnold, une chronique sociale qui mute en récit fantastique
La jeune Bailey a douze ans et vit avec son demi-frère Hunter et son père Bug dans un squat d'une petite ville anglaise. Quand Bug installe sa nouvelle compagne chez eux, et annonce qu'il se mariera dans quelques jours, Bailey prend très mal cette nouvelle lubie de son paternel, qui espère expulser d'un crapaud volé à des trafiquants de drogue quelques grammes de cocaïnes pour financer ses noces.
Alors qu'elle expérimente ses premières règles, et qu'elle s'ouvre timidement à sa féminité, Bailey croise le chemin d'un mystérieux homme errant, prénommé Bird, à la recherche de ses parents dont il a tout oublié.
Entre fresque sociale et récit fantastique
Rythmé par une bande-son composée de musique hip-hop ou de morceaux pop et rock de Blur ou des Fontaines D.C., "Bird" s'affirme comme un récit initiatique au style ultra-réaliste. Après "Red Road", "Fish Tank" et "American Honey", la cinéaste Andrea Arnold continue à s'attacher à une mise en scène virtuose dominée par une caméra très mobile qui capte l'énergie de ses personnages, sans l'ombre du misérabilisme qui guette souvent un certain cinéma social.
La grande force du film est de ne jamais réduire ses protagonistes à des raccourcis sociologiques et qu'il ose par ailleurs l'incursion impromptue de visions mentales ou rêvées de Bailey, jusqu'à un final dont on ne dévoilera rien, sinon qu'il embrasse pleinement le fantastique, flirtant avec "Le règne animal" de Thomas Cailley.
En résulte un portrait à la fois dur et lumineux de parents qui n'ont jamais vraiment quitté le stade de l'adolescence, au mieux démissionnaires, au pire destructeurs, incapables de s'occuper correctement d'enfants et d'ados livrés à eux-mêmes et obligés, comme Bailey, à devenir adulte trop rapidement.
Une forme narrative inattendue
Et si le lien qui unit Bailey à Bird paraît de prime abord un peu trop schématique (la liberté contre l'enfermement), il trouble de manière bien plus surprenante les frontières entre le passé et le présent, entre le monde des hommes et le monde des animaux, accompagnant l'acceptation progressive de la jeune héroïne par elle-même et par ses proches.
Il y a une beauté bouleversante à voir des êtres qui ont passé la majorité du film à se heurter, à se confronter, pouvoir se serrer l'un contre l'autre dans une étreinte qui apparaît comme le geste d'humanité le plus essentiel à "Bird". Geste qu'Andrea Arnold parvient à filmer avec une grâce absolue.
Rafael Wolf/sf
"Bird" de Andrea Arnold, avec Barry Keoghan, Franz Rogowski et Nykiya Adams. A voir dans les salles romandes depuis le 8 janvier 2025.