Nicole Kidman se met à quatre pattes dans "Babygirl", drame érotique convenu

Nicole Kidman et Harris Dickinson dans le film "Babygirl". [A24]
Nicole Kidman et Harris Dickinson dans le film "Babygirl". - [A24]
Prix d’interprétation au festival de Venise, la star s’abandonne à une relation masochiste dans "Babygirl" de Halina Reijn. Mais entre fantasmes de soumission, velléités transgressives et féminisme de façade, ce drame érotique se vautre dans les clichés les plus éculés.

Les films sont comme des sentiers tracés en pleine forêt. Il y a ceux qui laissent leur public errer, pérégriner sans certitudes dans un dédale de thèmes et de motifs d’une ambiguïté libératrice. Et puis il en va d’autres comme d’un parcours Vita fléché, indiquant à chaque étape ce qu’il convient de faire et de penser.

C’est toute la différence entre la charge sulfureuse d’un Paul Verhoeven, de "Belle de jour" de Luis Bunuel ou de "Portier de nuit" de Liliana Cavani, qui osaient chacun à leur manière aborder les zones les plus obscures et paradoxales de la sexualité féminine, et ce "Babygirl" qui prétend explorer la libido masochiste de son héroïne, cachant mal derrière sa façade féministe un programme parfaitement balisé.

Donc Nicole Kidman est Romy, mariée à Antonio Banderas, mère de deux adolescentes, PDG d’une grande entreprise de robotique. Romy est une sexagénaire qui dirige sa vie d’une main de fer, dissimulant ses fantasmes sexuels à son époux, incapable de la satisfaire. S’ouvrant et s’achevant sur un orgasme de son héroïne (d’abord simulé, puis authentique), "Babygirl" va ainsi suivre la relation irraisonnable que Romy entame avec Samuel (Harris Dickinson), jeune stagiaire qui vient de rejoindre son entreprise. Une relation basée sur une règle simple et consentie: la patronne se soumet sans exception aux moindres ordres de son subalterne qui n’hésite pas à la traiter comme sa chose, voire comme sa chienne.

Une provocation inoffensive

Si la vision de Nicole Kidman à quatre pattes, imitant un chien pour laper la main de son jeune amant, vous paraît perturbante, alors ce "Babygirl" est taillé pour vous. Certains n’ont d’ailleurs pas hésité à qualifier le résultat de film féministe, substituant à l’archétype de la femme fatale (par ailleurs bien plus complexe qu’il n’y paraît) celui de la femme soumise, s’émancipant (ah bon?) des carcans patriarcaux et de ce fameux male gaze qui, à force d’être employé à toutes les sauces, finit par ressembler à un label moral plus qu’à une réflexion cinématographique.

>> A écouter, les avis - très mitigés - du débat cinéma de Vertigo sur le film "Babygirl" :

Scène tirée du film "Babygirl" de Halina Reijn. [Constantin Film / Niko Tavernise]Constantin Film / Niko Tavernise
Débat cinéma, "Babygirl" de Halina Reijn / Vertigo / 6 min. / mercredi à 17:17

Sauf qu’on a un peu de mal à percevoir en quoi la cinéaste échappe au cliché autour de la domination masculine et de la soumission féminine, préférant déléguer à ses personnages le devoir de commenter son film au propos on ne peut plus fuyant. Ainsi, lorsqu’une stagiaire s’étonne qu’une femme à la tête d’une entreprise puisse se comporter comme elle le fait, Romy lui rétorque qu’elle confond "morale et ambition". Ou quand une autre scène confronte Samuel au schéma obsolète de la femme soumise au bon vouloir de son amant, le jeune éphèbe de répondre un comique "tu ne peux pas comprendre".

Commode pour la cinéaste néerlandaise Halina Reijn qui ne s’embarrasse pas de creuser son sujet et réduit ses personnages à des incarnations inoffensives de schémas éculés. C’est d’autant plus dommage que "Babygirl" profite de l’implication complète de Nicole Kidman, qui va jusqu’à mettre dans son personnage des détails tout à fait personnels, comme cette scène d’injection de botox qui frise le portrait de la star elle-même. 

Mais là encore, le film ne se met jamais en danger, évite de plonger sa caméra dans le cambouis, trop occupé à cocher les cases d’une dissertation scolaire cumulant sa thèse, son antithèse et sa synthèse. Quant au parfum de scandale, il s’évapore aussitôt le film fini.

Rafael Wolf/sc

"Babygirl" de Halina Reijn, avec Nicole Kidman, Antonio Banderas, Harris Dickinson. A voir dans les salles romandes depuis le 15 janvier 2025.

Publié