Comment le best-seller mondial d’Umberto Eco devient un grand succès de cinéma sous la caméra de Jean-Jacques Annaud. Décryptage de Catherine Fattebert et Miruna Coca-Cozma.
Le livre
A l’origine du film, un polar écrit pour quelques universitaires aimant la sémiotique et le grec, par un autre universitaire italien: Umberto Eco. Il est professeur de sémiologie à l’université de Turin et il ne sait pas que son premier roman, publié en 1981, va devenir un best seller vendu à plus de 30 millions d’exemplaires et traduit dans 24 langues.
En avril 1982, en vacances à la Guadeloupe, Jean-Jacques Annaud découvre ce fameux livre dont on parle tellement en Italie. Il s’enthousiasme, il appelle son agent. Le livre est en cours de traduction chez l’éditeur Grasset qui fait parvenir au cinéaste, en Guadeloupe, le livre en cours de traduction.
Le film
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Le film met en scène Sean Connery dans le rôle de Guillaume de Baskerville, enquêteur franciscain, nanti de son assistant, Christian Slater en Adso de Melk.
Nous sommes en l’an 1327 et dans cette abbaye bénédictine du nord de l'Italie, on attend l’arrivée d’une délégation papale venue d’Avignon, qui doit débattre avec les Franciscains sur la volonté de pauvreté de l’Eglise. Pourtant, cette controverse, dont va dépendre l’avenir de l’Eglise et peut-être du monde occidental tout entier, passe au second plan derrière une suite de faits divers atroces.
Les moines meurent de mâtine à complies, victimes semble-t-il de leur curiosité pour un livre particulier. Guillaume perce les mystères de la bibliothèque-labyrinthe, une bibliothèque aux innombrables escaliers, renfermant les livres les plus précieux de la chrétienté et les plus dangereux que se trouve la réponse à l’énigme à la fois policière et religieuse.
Le film de tous les records
Le film use quatre scénaristes, coûte des dizaines de millions de francs, les recherches historiques sont considérables. Il ne faudra pas moins de seize scénarios pour le finir.
Le résultat est à la hauteur des espérances de Jean-Jacques Annaud qui se vante d’avoir écrit un palimpseste, soit une réécriture du roman.
James Bond au couvent
Au début, Annaud ne veut pas de Sean Connery, il a peur qu’il fasse trop James Bond au couvent. Umberto Eco est "catastrophé" par ce choix. Les distributeurs ne veulent pas miser de l'argent sur un acteur qu'ils jugent en déclin.
Mais le réalisateur français est immédiatement séduit par la qualité d'interprétation de l'acteur. Il le veut.
Jean-Jacques Annaud
Collection Cinema/Photo12
Annaud fait des films comme on écrit des fables sur le sable, sans jamais se heurter à l’obstacle des frontières de marchés ou de langues. Ses acteurs sont souvent anglo-saxons sans que se pose même le problème de la nationalité.
En 1982, il tombe amoureux du roman d’Umberto Eco, "Le nom de la rose" et décide de l’adapter au cinéma. L’indiscutable intérêt du roman est pour Annaud de mêler une intrigue très forte de style policier à une parabole magnifique sur la diffusion du savoir.
Un polar mystique
A travers ce film à la Hitchcock, Annaud veut retrouver l’univers mystique et exalté de l’époque. Cette fameuse crainte de dieu. Faire revire l’époque, ses fanatisme, ses frustrations et ses passions frénétiques.
Plus d’un an d’écriture pour arriver à l’essentiel, écrire ce qu’il considère comme un palimpseste. Umberto Eco permet à Jean-Jacques Annaud de réécrire son texte pour le transposer au cinéma.
Les coulisses d'une superproduction
Pour être au plus près de la vérité historique, Jean-Jacques Annaud convoque Jacques le Goff, médiéviste français, comme conseiller historique du film.
Il s'entoure d'une petite équipe, le groupe d’anthropologie historique de l’Occident médiéval. Pendant une année, raconte Jacques le Goff, ils ont travaillé sur l’aspect matériel comme les vêtements, les ustensiles ou les matières. Ils ont aussi travaillé sur les couleurs, les décors, et le costume monastique. Un autre aspect de leur travail: la gestuelle médiévale et les comportements.
Le sens du détail
Maniaque du détail, le cinéaste se documente énormément. Il va faire construire des décors gigantesques et le film devient celui des chiffres records: cinq ans de travail, le plus gros budget pour une co-production européenne, le plus gros décor extérieur construit en Europe depuis Cléopâtre, et plus de trois cents monastères visités dans toute l' Europe.
C’est finalement le monastère d'Eberbach qui sera choisi, un ancien monastère cistercien en Allemagne, près d'Eltville (Hesse) du 12e siècle.
Je sais qu’avec ce film, qui a pris cinq ans de ma vie, je risque le tout pour le tout. Je me réveille souvent la nuit en sueur. Je me sens comme un pilote de course conscient qu’il peut mourir à chaque virage.
Le succès
Le succès du film est fulgurant Certains critiques s’enthousiasment, d’autres descendent le film et Annaud. En France, en Allemagne, aux Etats-Unis, en Angleterre, le film est littéralement porté par la critique et le public.
En Italie, on accuse Jean-Jacques Annaud d’avoir pillé le patrimoine italien car on ne comprend pas son idée de palimpseste du roman.
Les critiques
En Italie, on accuse Jean-Jacques Annaud d’avoir pillé le patrimoine italien car on ne comprend pas son idée de palimpseste du roman.
Certains trouvent son film trop crépusculaire : violences, paysans faméliques, moines aux tronches patibulaire. On l’accuse de grossir le trait pour mieux faire ressortir le combat mené contre l’obscurantisme par un rationaliste.
Un livre et un film sont deux objets différents, d’auteurs différents et il est bon que chacun des deux ait sa propre vie.
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Un décryptage de Catherine Fattebert et Miruna Coca-Cozma