"Le Ciel attendra" le montre bien: la radicalisation n’est ni une affaire de classe sociale, ni d’origine. Mélanie et Sonia sont des lycéennes ordinaires. La première (interprétée par Naomi Amarger) est une fille sage qui voudrait changer le monde. Elle est repérée par un rabatteur qui la contacte sur Facebook. La seconde (Noémie Merlant), plus rebelle, vient d’être arrêtée alors qu’elle voulait se rendre en Syrie. Elle est ramenée dans sa famille, en France, où elle doit suivre une thérapie de «déradicalisation» auprès de Dounia Bouzar.
Cette très médiatique anthropologue, fondatrice du Centre de prévention contre les dérives sectaires, joue son propre rôle dans le film. Elle a aussi servi de consultante pour le film et a accepté que la cinéaste Marie-Castille Mention-Schaar intègre son équipe jour et nuit pendant deux mois pour documenter son scénario.
Le terrorisme, un sujet qui dérange
On l’a constaté par exemple avec "Made in France", de Nicolas Boukhrief, "Black", d’Adil El Arbi et Bilal Fallah, ou "Nocturama", de Bertrand Bonnello, certains films récents qui traitent des attentats ou du terrorisme ont essuyé les refus des distributeurs ou des festivals. Pour sa part, "Le Ciel attendra" sort en salle normalement, et sans polémique préalable, sans doute parce qu’il ne montre pas directement la violence, mais se concentre sur l’embrigadement avant le passage à l’acte.
Et si le film a failli ne pas se faire, c’est parce que le premier jour du tournage devait avoir lieu au lendemain des attentats du Bataclan et que la cinéaste Marie-Castille Mention-Schaar, dévastée, a hésité à tout annuler.
Internet, vecteur de l'embrigadement
Internet joue un grand rôle dans l’embrigadement des deux personnages, Sonia et Mélanie. Elles sont sensibles aux clips très efficaces fabriqués par Daech, qui savent cibler leurs faiblesses. Géraldine Casutt, spécialiste de l’embrigadement des femmes dans le djihad, a vu "Le Ciel attendra".
Cette doctorante à l’Université de Fribourg et à l’Ecole des hautes études en sciences sociales de Paris, trouve le film "très juste" lorsqu’il décrit la réaction et l’aveuglement des parents, mais estime qu’il véhicule quelques clichés sur l’embrigadement des jeunes filles.
Raphaële Bouchet/mcc